Réforme des retraites : l’Assemblée valide la suspension et la gauche française se déchire

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L'Assemblée a voté pour la suspension de la réforme des retraites. © REUTERS/Gonzalo Fuentes

Après un long débat, les députés ont approuvé un décalage de la réforme des retraites. Le PS et les écologistes ont voté pour, contrairement aux insoumis et communistes.

La gauche parlementaire n’a pas offert mercredi 12 novembre son visage le plus uni, au moment de voter la “suspension” de la réforme des retraites – principal objet justifiant la non-censure du gouvernement Lecornu par le PS. Les socialistes ont voté pour, accompagnés de la grande majorité des députés du groupe Ecologiste et social, malgré trois abstentions.

Le groupe France insoumise, le plus nombreux, et le groupe GDR, qui accueille les communistes, ont voté contre – moins un pour. Au final, l’article a bien été approuvé en première lecture par l’Assemblée nationale par 255 voix pour contre 146.

Quand le groupe socialiste défend une “suspension” qui représente un gain pour 3,5 millions de personnes qui pourront partir plus tôt à la retraite, le chef de file des communistes, Stéphane Peu, voit “un décalage”, c’est-à-dire à ses yeux “une entourloupe”. “Pour toutes les générations nées en 1969 et après, nous avalisons un départ à 64 ans, dénonce le député PCF Nicolas Sansu. C’est quelque chose d’antinomique avec le Nouveau Front populaire, on ne peut pas accepter cela.” La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, voulait voir la copie réécrite, avec le retrait de la mention des 64 ans, en vain.

Les socialistes “abasourdis devant les circonvolutions” de LFI

La socialiste Sandrine Runel a de son côté observé que l’article gèle aussi le nombre de trimestres nécessaires pour partir à taux plein (170) et que l’amendement du gouvernement “comble les trous dans la raquette” de la lettre rectificative, notamment sur les carrières longues. Il s’agit là d’une “première étape”, concède toutefois l’élue, en vue d’une abrogation de la réforme Borne après la prochaine présidentielle.

Une position proche de la CFDT qui voit dans le vote de mercredi “un signal d’écoute et de compréhension”.

Le gouvernement boit du petit lait

Les élus du groupe écologistes – que l’amendement du gouvernement a fait basculer du côté des pour – ont bien tenté de ménager la chèvre et le chou : “Nous prenons, mais je le dis aussi nous ne faisons pas passer ces miettes pour un festin”, a estimé François Ruffin. Malgré cela, il est très clair que les déchirements de la gauche ont rendu plus douce l’après-midi du gouvernement Amélie de Montchalin, la ministre des Comptes publics, a pu constater que les troupes parlementaires élues sous la bannière du Nouveau Front populaire étaient plus que jamais divisées sur la marche à adopter.

Contrairement à l’impression qu’à pu donner la séance, les députés de gauche n’ont pas été les seuls à être tiraillés. Si le RN a voté pour la suspension, son allié ciottiste a voté contre, comme Horizons et une majorité de LR (8 pour et 9 abstentions). Le Modem et Renaissance se sont largement abstenus. Très en retrait ces dernières semaines, Gabriel Attal ne s’est pas caché en prenant la parole pour assumer le choix “pas fait de gaieté de cœur, mais avec lucidité” de son groupe. “Cette suspension n’est pas une bonne nouvelle pour l’économie française et pour le budget de la France. Mais nous ne voulons pas nous mettre en travers du compromis qui a été souhaité par le Premier ministre avec le groupe socialiste.”

Si le PS a dit sa fierté après la séance, le PLFSS (qui n’a pas pu être examiné dans son intégralité vus les délais que le gouvernement a choisi de suivre) doit désormais partir au Sénat, où la majorité de droite se fera un plaisir de détricoter le travail des députés. Reste à savoir si la copie finale rassemblera ou non les députés de gauche, s’ils parviendront à améliorer le texte, ou bien s’ils s’entendront sur une censure pour le bloquer.

Avec Rachel Garrat-Valcarcel (L’Humanité du 12 novembre 2025)