Suspension de la réforme des retraites : Et les retraités des pays dits d’outre-mer qui subissent une situation pire qu’en France ?

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En France au Parlement se déroule une bataille acharnée autour de la question de réforme des retraites. Le Parti socialiste a obtenu du gouvernement Lecornu la suspension de la Réforme Borne à l’Assemblée nationale française. La gauche française s’est fracturée sur l’appréciation de cette concession. Le Parti communiste français et la CGT maintiennent leur revendication d’une abrogation de cette réforme qui repousse l’âge de départ à 64 ans. Une ignominie acquise avec l’application de l’article 49-3 de la constitution française. Le Sénat s’acharne à détricoter le petit pas en avant obtenu à l’assemblée. Et on ne sait pas ce qu’il en ressortira au final (voir article dans ce numéro).

Ce que nous relevons c’est qu’à aucun moment la situation très spécifique des retraités des pays dits d’outre-mer n’a été évoquée. La réalité c’est que la condition faite aux retraités des dits départements et régions d’outre-mer est nettement plus dégradée que celle attribuée aux travailleurs de France.

Lors du débat sur la réforme Borne nous n’avons cessé d’en apporter les preuves à partir des données partielles que nous avions pu rassembler. Le conseil d’orientation des retraites ( dit COR) ne disait pas un mot sur les données concernant les retraités des pays d’outre-mer. Une insulte.  Et le gouvernement, de guerre lasse, avait dû concéder qu’il demanderait au dit COR de produire une analyse sur les retraités d’outre-mer.

A notre connaissance rien n’a encore été publié.

Rappelons toutefois quelques données terribles :

Deux retraités martiniquais sur trois sont en situation de fragilité sociale. C’est le constat effrayant fait par la Caisse générale de sécurité sociale (CGSS) de Martinique lors d’une rencontre partenariale organisée récemment sur la thématique de l’accès aux droits des séniors sur notre territoire. Ces 65% de retraités considérés comme fragiles en Martinique représentent exactement 44 833 personnes, en vertu de données compilées par la CGSS et consultables, sous diverses visualisations synthétiques, sur le site de l’Observatoire des situations de fragilité (4/01/2024).

Selon l’Insee (novembre 2024) “en moyenne, 24 % des Martiniquais de 55 à 69 ans déclarent percevoir une retraite (hors cumul emploi retraite) contre 43 % en France hexagonale. Enfin, 30 % des seniors en Martinique ne sont ni en emploi ni à la retraite. Cette situation est deux fois plus fréquente qu’en France métropolitaine”.

Une misère reflétant la difficulté pour de nombreux travailleurs martiniquais de reconstituer une carrière complète vu la précarité de l’emploi. 

Ces départs en retraite plus tardifs en Martinique traduisent en effet les difficultés à justifier d’une carrière professionnelle pleine et bénéficier d’une retraite à taux plein dans une économie où l’emploi informel est répandu. Cela reflète le chômage massif (un Martiniquais sur deux au travail), l’entrée plus tardive dans la vie active, le vieillissement plus rapide de la population notamment sous l’effet de l’émigration Bumidom des années 1960/1970 (doublement des 60 ans et plus à l’horizon 2030),  la grande précarité d’emploi,  le nombre considérable d’allocataires de minima sociaux ( 25 % des plus de 20 ans contre 7 % en France), etc.

Toujours selon l’Insee, en Martinique les seniors travaillent plus longtemps qu’en France pour avoir des retraites à taux pleins.   

Dans les DROM, par conséquent, on est déjà à un âge de départ au-delà de 64 ans et plus (âge de départ en 2024 de 65,7 ans). Le report de l’âge légal de départ de 2 ans de la réforme Borne ne peut qu’augmenter le nombre de ceux qui n’auront pas de retraites à taux plein.

Selon les chiffres recueillis les plus récents, le nombre de retraités en Martinique en 2024 serait, selon la Caisse générale la Sécurité Sociale de Martinique (CGSSM), de 73 915. Et le montant global mensuel moyen de la pension servie par le régime général serait de 778 €, largement en-dessous du seuil de pauvreté. Comme il s’agit d’une moyenne des retraités reçoivent moins.

Il est clair que tant le pouvoir central que nos représentants doivent prendre en mains la situation de pauvreté, et même de misère, de nos retraités et prendre les mesures correctives qu’impose notre devoir de solidarité.

Michel Branchi (17/11/2025)