Rencontre entre lʼancien président haitien Jovenel Moise et Emmanuel Macron en 2017
À l’occasion des 200 ans de l’imposition d’indemnités colossales envers Haïti par le roi Charles X, le président de la France Emmanuel Macron a évoqué sa volonté de “regarder l’histoire en face”, avec la création d’une commission d’historiens. Sans surprise, Emmanuel Macron n’a absolument pas évoqué la possibilité d’un remboursement. Il n’a même pas demandé pardon.
Il y a 200 ans, le 17 avril 1825, le roi Charles X reconnaissait l’indépendance d’Haïti contre 150 millions de francs or devant être versés par Haïti pour indemniser les anciens propriétaires d’esclaves. Le président de la République annonce la création d’une « commission mixte franco-haïtienne chargée d’examiner notre passé commun ». Cette commission, composée d’historiens des deux pays, devra faire « des recommandations » aux deux gouvernements pour « construire un avenir plus apaisé ». La commission sera co-présidée par l’historien et diplomate Yves Saint-Geours – il a notamment été ambassadeur de France en Bulgarie, au Brésil et en Espagne – et par Gusti-Klara Gaillard Pourchet, une historienne haïtienne spécialiste du sujet, professeure à l’université d’État d’Haïti. Emmanuel Macron a déclaré que “Reconnaître la vérité de l’Histoire, c’est refuser l’oubli et l’effacement. C’est aussi, pour la France, assumer sa part de vérité dans la construction de la mémoire, douloureuse pour Haïti, qui s’est initiée en 1825.”
Le président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage affirme qu’une injustice a été commise contre Haïti

Jean-Marc Ayrault est le président de la Fondation pour la mémoire de lʼesclavage
Ancien premier ministre, Jean-Marc Ayrault est engagé de longue date sur les questions de mémoire de l’esclavage. Il est président de la Fondation pour la mémoire de l’esclavage. Dans une interview parue sur le journal Humanité le 16 avril, il a rappelé la nécessité de reconnaître l’injustice faite à Haïti.
Jean-Marc Ayrault s’est exprimé sur ce long silence autour de la dette : “C’est aussi une injustice mémorielle qu’il faut absolument réparer. On a fait payer à un peuple son indépendance, et l’argent qui a été payé jusqu’en 1888 l’a été pour dédommager des propriétaires d’esclaves, enrichir des rentiers, des banquiers et même l’État français. C’est profondément choquant et c’est une réalité peu glorieuse qui n’est pas enseignée dans les livres d’histoire. Elle est peu connue, alors qu’elle est née d’une révolte d’esclaves menée notamment par Toussaint Louverture, qui lui est au Panthéon : c’est là toutes les contradictions de notre histoire.”
Il a évoqué les attentes du peuple haïtien selon-lui : “Elles sont immenses. J’ai été reçu par Leslie Voltaire, le président par intérim du Conseil de transition lors de sa visite à Paris (en janvier dernier), nous avons eu une émouvante conversation à ce sujet. J’ai rencontré des gens d’une grande dignité qui ne demandent rien d’extraordinaire, mais souhaitent que l’on commence par l’acte symbolique. C’est pour ces raisons que la FME a produit une note, avec son conseil scientifique, pour établir un consensus historique. Il y a une attente pour établir un travail de mémoire, sur le modèle de la commission Stora en Algérie, ou de celle menée par Karine Ramondy sur le Cameroun”.
Le journal l’Humanité a interpellé le président de la fondation pour la mémoire de l’esclavage : “D’après les enquêtes et les travaux publiés par le New York Times, les montants pourraient atteindre entre 20 et 100 milliards d’euros. Cela paraît faramineux, même si vous dites que le sujet est d’abord mémoriel et culturel ?”
JMA : “C’est tout cela qu’il faut définir, non pas d’un point de vue paternaliste et néocolonial, mais en commun avec les Haïtiens, qui attendent avec impatience ce qui sera annoncé ce 17 avril. Même si certains disent qu’on est dans la repentance… Non, nous sommes dans la vérité et la justice. Reconnaître la vérité sur sa propre histoire – comme nous avons pu le faire à Nantes – a permis d’être plus forts et plus dignes. Ce chantier est mondial : les Nations unies, l’Union africaine, la Caraïbe ont parlé de réparations.”
Cette indemnisation des esclavagistes est un fardeau qu’a porté la population pauvre haïtienne, les anciens esclaves, durant plus d’un siècle. Et qui a entravé le développement du pays, au point de jouer un rôle crucial dans les malheurs que connait aujourd’hui Haïti.
Justice avec l’Humanité