
En Martinique, les violences faites aux femmes atteignent un niveau alarmant : plus de 1 200 situations déclarées en 2024, alors que près de 20 000 femmes seraient réellement victimes sur l’année. Une réalité que l’Observatoire territorial des violences envers les femmes révèle dans une synthèse alarmante. Entre chiffres sous-estimés, accompagnement insuffisant et saturation des structures d’accueil, l’île fait face à un phénomène massif, qui touche toutes les classes sociales et nécessite un engagement renforcé des institutions.
En Martinique, les violences faites aux femmes demeurent un fléau largement invisible. Pour obtenir une vision plus fidèle de la réalité, l’Observatoire a croisé données policières, statistiques de l’État et informations issues des associations. Les conclusions sont sans appel. Moins de 10% des victimes se tournent vers la justice. Malgré une parole qui s’est partiellement libérée depuis les mouvements #MeToo, Balance Ton Porc et le Grenelle des violences conjugales, l’immense majorité des femmes violentées ne sont toujours pas accompagnées.
Des chiffres qui montrent l’ampleur du problème
Les données compilées mettent en lumière un fossé immense entre les violences déclarées et les violences réellement vécues.
Violences officiellement enregistrées (2024)
1 213 situations déclarées (+1% par rapport à 2023)
En 2017, elles étaient moins de 500 : le nombre de déclarations a plus que doublé.
Répartition des violences
– 80% violences physiques (967 cas, en légère baisse)
– 13% violences psychologiques
– 6% violences sexuelles (en augmentation)
Les violences sexuelles intrafamiliales :
– 2/3 relèvent de l’inceste
– 1/3 sont liées à des violences conjugales, y compris d’ex-conjoints
La réalité estimée
Selon l’enquête Virage de l’Ined :
– 20 000 femmes auraient subi des violences conjugales en 2024 en Martinique
– Les associations n’en accompagnent qu’environ 1 500
– Les plaintes représentent moins de 10% des victimes
– Environ 3 000 femmes seraient victimes de violences sexuelles sur l’année
Ces chiffres confirment que seules les formes les plus graves ou les plus visibles sont portées à la connaissance des autorités.
Comprendre les mécanismes : domination, jalousie et schémas culturels
Pour Roger Cantacuzène, chargé de recherche à l’Observatoire, l’augmentation des signalements s’explique aussi par une meilleure détection. Mais le fond du problème reste structurel. “Il faut déconstruire les schémas de domination, de jalousie ou de possession qui s’inscrivent dans certaines relations”, explique-t-il. L’éducation à la sexualité est également pointée comme insuffisante face à une pornographie omniprésente qui façonne des rapports de domination violents. Chez les enfants exposés à la violence, les conséquences sont profondes : troubles du développement, reproduction de schémas violents à l’âge adulte, confusion autour des relations hommes-femmes.
L’accueil des victimes : Un dispositif essentiel mais saturé
Le Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), géré par l’Alefpa, constitue l’un des piliers de la protection en urgence. Avec 49 places, il accueille chaque année près de 100 femmes et enfants. La majorité arrive dans un état de sidération, parfois directement après une scène de violence ou en plein dépôt de plainte.
Les travailleuses sociales y gèrent l’urgence (protection, ordonnances de protection, Téléphone Grave Danger, bracelet anti-rapprochement) puis l’accompagnement vers la reconstruction et l’insertion. En visite dans le centre mardi 25 novembre, le préfet Étienne Desplanques a appellé à renforcer les dispositifs dans le Nord et le Sud de l’île et à améliorer la prise en charge des femmes en situation irrégulière.
Un besoin urgent de moyens et de coordination
L’Observatoire territorial des violences envers les femmes, porté par l’Alefpa, joue un rôle central dans la lutte : collecte des données, coordination des acteurs, organisation de conférences, sensibilisation du public.
Ses recommandations sont claires :
– Développer davantage de lieux d’accueil dans toute l’île
– Augmenter le nombre d’intervenantes sociales en gendarmerie
– Renforcer l’éducation à la sexualité et la prévention
– Améliorer l’accompagnement à distance via des outils comme le site Comment on s’aime, utile pour les femmes qui ne peuvent se déplacer
En Martinique, les femmes sont confrontées à des violences multiples : physiques, psychologiques, sexuelles, économiques ou encore verbales et sociales. Ces formes d’emprise s’entrecroisent et enferment progressivement les victimes dans une situation de dépendance et de peur. Coups, menaces, chantage, contrôle financier ou isolement social créent un climat permanent d’insécurité, dont les conséquences sont profondes et souvent invisibles. Cette réalité rappelle l’urgence de renforcer l’accompagnement et la visibilité des dispositifs de protection.
Infos pratiques
EN CAS D’URGENCE OU DE DANGER
Police / Gendarmerie : 17
Urgences : 112
Violences Femmes Info : 3919 (gratuit et anonyme)
115 – Hébergement d’urgence
ASSOCIATIONS EN MARTINIQUE
Culture Égalité : 0696 53 71 16 / 0696 19 91 58
Union des Femmes de Martinique (UFM) : 0596 71 26 26
Mouvement du Nid : 0696 71 66 22
Lamevi (victimes d’inceste) : 0696 17 40 00
Alefpa : 0596 71 18 87
ACCOMPAGNEMENT EN LIGNE
Chat anonyme : commentonsaime.fr
MC avec France-Antilles
