
Le conseil municipal de Fort-de-France était appelé par la majorité PPM le vendredi 4 avril dernier à se prononcer sur le compte administratif 2024 (exécution du budget 2024) et sur le budget primitif 2025 (prévisions). C’est dire si les sujets étaient sensibles politiquement vu les déficits et le fort endettement de cette municipalité depuis de nombreuses années et sa mise sous contrat de redressement outre-mer (COROM).
Les débats ont duré très longtemps et ont été très vifs. Michel Branchi a présenté les observations du groupe Fok Sa Chajé Fodwans
La majorité municipale a présenté un compte administratif 2024 (CA) en léger excédent de 4,8 M€ et un budget primitif 2025 (BP) en équilibre. Le déficit en 2020 était de 62 Millions d’euros. Il faut rappeler que lorsque le budget est en déséquilibre, il est déféré par le Préfet à la chambre régionale des comptes(CRC). C’est ce qui s’est produit en 2024 pour le CA 2023 et le BP 2024. Le Compte administratif 2023 et budget primitif 2024 ont été rectifiés par la CRC et le budget primitif 2024 a été arrêté et rendu exécutoire par arrêté préfectoral car les déficits avaient été sous-évalués.
I-Un Compte administratif 2024 de justesse en excédent du fait de la baisse drastique des dépenses
1/ Taux d’exécution : un taux d’exécution plus élevé sur des prévisions inférieures à 2023
En section de fonctionnement, le taux d’exécution de la dépense du BP 2024 augmente certes passant de 89% à 99%. Mais les réalisations 2024 sont inférieures à celles de 2023, soit 145,5 M€ contre 147M€ et surtout les prévisions 2024 avaient diminué de 18,3 M€ par rapport à 2023. Donc un taux d’exécution en hausse sur un montant en baisse, ce n’est pas glorieux.
En investissement, le taux d’exécution des dépenses n’est que de 47 % même s’il est supérieur à celui de 2023(42 %). En recettes, le taux d’exécution passe de 44 % à 70 %, mais le montant du budget primitif avait considérablement baissé de 52,2 M€ à 33,9 M€. Même observation : un taux en hausse sur un volume de crédits en baisse, ce n’est pas un succès.
2/ Résultat global de 2,5 % du budget principal
Néanmoins le résultat global est positif de + 4,8 M€ avec + 31 M€ en fonctionnement et – 26,2 M€ en investissement pour le budget principal. Soit 2,5 % du budget de 190,6 M€ en dépenses. C’est symbolique. Le budget SERMAC est positif de 165 358 €. Cela s’explique parce qu’en fonctionnement les recettes ont atteint 181,7 M€ et les dépenses seulement 150,6 M€. Par contre, en investissement les recettes n’ont été que de 34,9 M€ alors que les dépenses ont été de 40 M€. Il faut noter que le budget fonctionnement est descendu en dépenses de 181,7 M€ en 2023 à 150,6 M€ en 2024. Effet des mesures imposées par le COROM (contrat de redressement de la situation financière outre-mer) de l’Etat.
A/ Fonctionnement : des dépenses en baisse
Toutefois les recettes de fonctionnement sont recul de 2 % en 2024. Elles ont atteint 181,7 M€ contre 185,7 M€ en 2023 et 215,4 M€ en 2022. A noter que les ressources de la commune ont singulièrement augmenté en 2024 : les redevances de + 13 %, les impôts et taxes de +4,36 % et les dotations de l’Etat de +4,66 %. Remarquons que les impôts directs locaux ont progressé de + 7 %(62,5 M€) et l’octroi de mer de + 3,51 %(47,6 M€). Depuis 2019 les recettes fiscales sont passées de 105 M€ à 129,6 M€ en 2024, soit 24,6 M€ de plus. Et il est annoncé 132,7 M€ d’impôts encore en augmentation pour 2025.
Dans le même temps, les dépenses de fonctionnement ont reculé de 9 %, soit 150,6 M€ contre 165,8 M€ en 2023 et 188 M€ en 2022. Une dégringolade de plus de 15,2 M€ en un an et de 37,4 M€ en 2 ans.
En effet les dépenses de personnel ont baissé de 5 % en 2024, soit 93,6 M€ en 2024 contre 98,1 M€ en 2023 et surtout 136,6 M€ en 2022. C’est ce qu’avaient exigé la CRC et le COROM. Les effectifs sont passés de 2 140 agents en 2019(année du rapport de la CRC) à 1 716 en 2024. Plus de 400 agents municipaux en moins.
Cependant, les charges à caractère général augmentent de 20 % : par exemple, fournitures + 18 %, nettoyage locaux +29%, loyers + 61,6 %, etc. Les charges de gestion courante montent de 2 % : à noter que Caisse des écoles +7 % et CCAS + 39 %. La maitrise du train de vie municipal est loin d’être réalisée.
B/ Investissement : des dépenses en recul
- Les recettes baissent de 17,7 % et les dépenses de 4,6%.
En recettes, il faut relever l’augmentation nette des dotations de 58 %, en particulier le FCTVA (+ 56 %).
Sur l’exercice 2024, des emprunts ont été mobilisés à hauteur de 5 M€ (plafond édicté par la CRC et le COROM). Par ailleurs, 2 717 267€ ont été versés au titre des emprunts contractés en 2022 mais non débloqués à l’époque. - Les dépenses réelles d’investissement qui se chiffrent à 27,6 M€ en 2024 contre 34,7 M€ en 2023 ont reculé de 20,44% comparativement à 2023.
La diminution du remboursement du capital des emprunts de 29 % est due à l’achèvement du plan de remboursement de la dette à la CNAF(Caisse nationale des allocations familiales) : 16 M€ en 2024 contre 22,7 M€ en 2023.
En 2024, la Ville a certes consacré près de 10,9 M€ aux équipements et aux travaux. Les travaux se montent à 5 M€ en 2024 contre 6,9 M€ promis au BP 2024 et 7,7 M€ réalisés en 2023.
Le représentant du Trésor n’a pas affirmé clairement que ce compte administratif 2024 était identique à son compte de gestion. Donc l’opposition n’a pas approuvé ce compte de gestion en s’abstenant.Par conséquent, en conclusion le petit excédent du CA 2024 de 4,8 M€ sur un budget total de 191 M€ contre un déficit de 11,2 M€ en 2023 vient essentiellement : - En fonctionnement de la baisse des dépenses de personnel et l’augmentation des ressources d’impôts et taxes et de dotations d’Etat.
- En investissement de la baisse des travaux et de l’augmentation des dotations d’Etat.
Remarquons que la dette qui se monte encore à 182,6 M€ au 31/12/2024 ne va s’éteindre qu’en 2046.
Ce sont les foyalais qui depuis 2021 paient dans la douleur le redressement financier opéré.
II-Un budget primitif 2025 largement fictif
Ce budget primitif 2025 est présenté en strict équilibre.
Fonctionnement
Dépenses 176 107 508,91 €
Recettes 176 107 508,91 €
Investissement
Dépenses 82 469 203,52 €
Recettes 82 469 203,52 €
Total dépenses : 258 576 712,43 €
Total recettes : 258 576 712,43 €
Les résultats 2024 sont transférés :
En fonctionnement + 31 064 458,71 €
En investissement -26 251 969,28 €
Soit un résultat global de + 4 812 489,43 €.
En réalité, il s’agit de satisfaire aux exigences du COROM (contrat de redressement outre-mer 2024-2026). Ce document, demandé depuis le débat d’orientations budgétaires du 11 mars 2025, a été communiqué in extrémis le matin du conseil municipal. Il prolonge le COROM 2021/2023 en estimant que la situation financière de la ville a besoin d’être consolidée jusqu’en 2026 et non en 2025 comme prévu. Il comporte les maquettes chiffrées des budgets 2024, 2025 et 2026 exigés par l’Etat pour accorder une subvention annuelle de 1,875 M€. Les dépenses de personnel sont strictement encadrées. Le budget primitif 2025, en fait, s’est calqué généralement sur ces injonctions.
Grandes masses budgétaires : D’évolutions non justifiées

Les évolutions des grandes masses budgétaires sont présentées dans des tableaux chiffrés, mais ne sont pas expliquées et surtout pas justifiées.
Les dépenses réelles de fonctionnement se montent à 147,89 M€ et sont en augmentation de 1,12 % alors que les recettes réelles de fonctionnement affichent 171,96 M€ en amélioration de + 4,61 %.
En investissement, les dépenses sont inscrites à 46,9 M€ en augmentation de 36 % et les recettes affichent 53,1 M€ en variation de + 56,6 %.
Miraculeusement, les recettes sont supérieures aux dépenses en 2025 tant en fonctionnement qu’en investissement. Et cela permet d’afficher une bonne capacité d’autofinancement comme exigé par le COROM.
Par exemple, en fonctionnement, pourquoi les “charges à caractère général” augmentent de + 2,85 % et celles de personnel de + 2,93 % ? Des taux supérieurs à l’inflation (+ 1,6 % sur un an en Martinique et +0,8 % en France en février 2025).
Comment les “autres charges de gestion diminuent de – 5,71 % et les charges financières” de – 3,50 % ?
Qu’est-ce qui explique que les impôts et taxes rapporteront +5,2 % et la fiscalité locale + 9,9 % ? Les dotations sont inscrites en augmentation de + 1,93 % sans explication.
Alors en investissement, on annonce des dépenses d’équipement en forte augmentation de 68 % à 30,4 M€ en 2025 au lieu de 18 M€ au BP 2024. Pourquoi les subventions seront majorées de +35,2 % et d’où viendront les 11,4 M€ de crédits inscrits ?
Des indicateurs financiers fantaisistes
À partir de ces données non démontrées sont calculés des “indicateurs de santé financière” que l’on qualifie d’excellents et positifs :
- capacité d’autofinancement de 24 M€ ;
- capacité de désendettement de 7,5 ans ;
- un fonds de roulement estimé le Fonds à 12,5 millions €, soit environ 30 jours de charges courantes
- etc…
- De même sont annoncés des “indicateurs d’investissement et de qualité de gestion” extraordinaires :
- taux d’équipement de 17,7 % qui est le rapport entre les dépenses d’équipement non justifiées et les recettes réelles de fonctionnement alléguées de manière fantaisiste ;
- Et ainsi de suite pour le taux de subvention des équipements, le taux d’autofinancement des investissements, etc ;
Un débat houleux et dans le déni de réalité
Pour avoir souligné ces incohérences et ces tours de passe-passes, les représentants de Fok Sa Chanjé Fodwans Francis Carole et Michel Branchi ont été pris à partie de manière virulente et parfois violente par les orateurs de la majorité PPM :
Alain Alfred, Yvon Pacquit et le Maire Didier Laguerre soi-même.
La rhétorique reste la même depuis 2019/2020 lorsque la chambre régionale des comptes a révélé que Fort-de-France était en déficit depuis 2012 et super-endettée et que les comptes avaient été maquillés. On reste dans le déni.
Cette déconfiture financière serait due à la seule politique de l’Etat et, en pointant aussi la “mauvaise gestion”, l’opposition municipale est accusée de soutenir cette politique de restriction des dotations de l’Etat. Pour expliquer la dette, il est encore asséné doctement qu’il faut emprunter (sans limites) pour investir. Alain Alfred a été jusqu’à qualifier l’opposition de “charognards”.
Francis Carole a montré que la relative amélioration de la situation financière s’est faite au détriment du peuple foyalais par une purge sévère depuis 2021. Il en a résulté : poursuite de la diminution de la population, enfoncement dans la pauvreté de beaucoup de +foyalais, accentuation du déclin du centre de Fort-de-France, accroissement de l’abandon des quartiers. Il a accroché sévèrement le Maire Didier Laguerre en soulignant-document en main- qu’en signant le Corom 2024/2026 il avait accepté qu’un représentant de l’Etat siège à la Mairie pour contrôler ses comptes. Une quasi mise sous tutelle.
Le groupe Fok Sa Chanjé Fodwans, rejoint par le groupe Lyannaj Pou Lévé Fodfwans de Nathalie Jos, s’est abstenu tant sur la compte administratif 2024 que sur le budget primitif 2025.
FDF, le 4/04/2025
Michel Branchi
Conseiller municipal Fok Sa Chanjé Fodwans