Dans Justice n°50 du 11/12/2025, nous avons évoqué la prise de parole du conseiller territorial Louis Boutrin (Gran Sanblé) lors de la séance plénière du 2 décembre. Le président de Martinique Ecologie a dénoncé un projet de Zone de Mouillage Organisée (ZMO) autour du Rocher du Diamant.
Dans différents communiqués sur les réseaux sociaux, le groupe de l’opposition “Le Diamant Rassemblé – La nouvelle Dynamique” et l’ASSAUPAMAR ont clairement affiché leur position. Le Maire du Diamant Hugues Toussay a également réagi en dénonçant des actions “purement démagogiques à quelques mois des élections.”
“Les services préfectoraux viennent de donner un avis favorable à l’implantation d’une zone de mouillage organisée au mépris des dispositions réglementaires et de la loi paysage et du respect de nos écosystèmes marins […] la ville du Diamant a pris une délibération pour autoriser une ZMO, mais faut-il rappeler que, par son histoire, le rocher du Diamant est le patrimoine de tous les Martiniquais […] Quelles dispositions comptez-vous prendre pour faire respecter ce préalable par la préfecture de Martinique, qui n’hésite pas à sacrifier notre joyau emblématique sur des intérêts privés de quelques plaisanciers et plongeurs de passage sur notre territoire ?”, avait déclaré le président de Martinique Ecologie Louis Boutrin, devant les élus de l’Assemblée de Martinique en plénière, le 2 décembre.
Selon un guide de Méthodologique du Ministère de la Transition Écologique publié en juin 2020, les zones de mouillage organisées et aménagées avec des équipements légers ont vocation à participer au développement durable des zones côtières, en conciliant à la fois les intérêts de la navigation, la sécurité des plans d’eau et la protection de l’environnement.
Le parc naturel marin explique le projet
Dans un communiqué, le Parc Naturel Marin de Martinique (PNM) a tenu à apporter des précisions sur ce projet controversé de ZMO. Le document nous apprend qu’une étude de fréquentation de la zone a été réalisée entre 2022 et 2023. Celle-ci a permis d’identifier que les alentours et fonds marins du Rocher du Diamant étaient le lieu de pratiques de plusieurs activités nautiques : “trois clubs de plongée de la commune du Diamant y exercent leurs activités professionnelles quotidiennement et l’ensemble des clubs de plongée de l’île y viennent au moins une fois par an. Les pêcheurs du Diamant et des villes voisines y pratiquent une pêche traditionnelle au casier et ponctuellement au filet. Des excursionnistes nautiques y proposent des observations du coucher du soleil. Tandis que des plaisanciers et des pratiquants de jet-ski visitent également ses alentours, pour de courtes durées. Aujourd’hui, 5 dispositifs d’amarrage non autorisés y sont recensés.”
L’installation de la ZMO, selon eux, vise à organiser la fréquentation des lieux et préserver les fonds marins. Elle propose l’installation de six bouées écologiques ; trois dans l’espace dit “la piscine” ; deux dans l’espace de “la faille” et une plus éloignée : “Ces bouées écologiques visent à remplacer les dispositifs non autorisés existants, assurant ainsi, de meilleures conditions de sécurité lors de l’amarrage des bateaux. Elles permettront également d’éviter les jets d’ancres, potentiellement impactants, ainsi que le ragage des fonds marins, exercés actuellement par le frottement des chaînes des mouillages mises en place ”, nous apprend le PNM. Précisons que le parc est présidé par Jean-Michel Cotrebil, qui est également président du comité régional des pêches.
Le projet prévoit la fixation de petites plaques d’une superficie d’environ 100 cm2 sur les parois rocheuses andésites sous-marines du Rocher du Diamant. Ces plaques seront reliées à un cordage muni d’une bouée flottante intermédiaire qui permet d’éviter le ragage des chaines sur les fonds. Selon le PNM, “grâce à ce projet, le mouillage sera interdit en dehors de ces équipements. Cette interdiction garantit ainsi le respect de la capacité environnementale d’accueil du site sans développement d’activités à postériori. Les moyens de l’Etat et du Parc naturel marin seront mobilisés pour en assurer le contrôle […] L’interdiction de mouillage en dehors des dispositifs d’amarrage écologique et le respect de la capacité d’accueil du site qui en découle, permettent le maintien d’une haute qualité paysagère.”
L’ASSAUPAMAR monte au créneau
Si sur le papier ce projet semble louable, la création de la ZMO inquiète les organisations environnementales dont l’ASSAUPAMAR qui a déjà largement exprimé son refus dans divers communiqués sur les réseaux sociaux : “Le Rocher du Diamant n’est pas un site ordinaire. Il est LE TOUT PREMIER SITE DE LA MARTINIQUE A AVOIR FAIT L’OBJET D’UN TEXTE DE PROTECTION DE LA NATURE FONDE SUR UN ACTE NORMATIF ROYAL au sens du droit en vigueur sous l’Ancien Régime, pris antérieurement à la Révolution française, à une époque où l’esclavage structurait encore la société coloniale martiniquaise […] L’installation d’une zone de mouillage, avec les impacts qu’elle implique : ancrages répétés, dégradation des fonds marins, pressions accrues sur les habitats et les espèces, intensification des usages nautiques entre en contradiction frontale avec la vocation même du site. Elle fragilise l’équilibre écologique du biotope et réduit la protection à un affichage, vidé de sa substance.
Pour rappel, depuis 1994, le Rocher du Diamant fait l’objet d’un arrêté préfectoral de protection de biotope, fondé sur des principes clairs de sanctuarisation, de non-intervention et de tranquillité biologique”.
Un projet dénoncé également par l’opposition
Candidat aux élections municipales de la ville du Diamant, Ruddy Duville est tête de liste du Diamant Rassemblé. Ce groupe politique dénonce ce projet et a d’ailleurs organisé un sondage pour connaître l’avis des Diamantinois mais aussi des Martiniquais, le 8 décembre. Au 15 décembre, le sondage affichait 95,37% de voix contre (824 voix) et 4,63% de voix pour (40 voix).
Le groupe politique indique : “Le 04/12/2025, notre assemblée délibérante a voté fermement contre ce projet qui menace l’équilibre écologique d’un site aussi précieux que fragile. Pourquoi nous disons Non : Densification des bateaux autour du rocher, Risque accru de pollution et atteinte à la qualité de l’eau, Destruction des coraux et des habitats marins, Perturbation d’espèces protégées, Aucun bénéfice économique pour la commune, Danger de dégradation irréversible du Rocher du Diamant”.
Le groupe politique se questionne également sur : l’opacité de la mise en place du projet alors que les investigations sont menées depuis 2021, le fait qu’il n’y ait eu aucun débat public et aussi, que le sujet n’a pas fait l’objet d’un point à l’ordre du jour lors du Conseil municipal du 20 mars 2025, au lieu d’être présenté comme une information en début de séance.
Hugues Toussay : “Aujourd’hui, Il n’y a aucune interdiction de mouillage autour du rocher”
Face à ses déclarations, le maire du Diamant Hugues Toussay a lui aussi réagi sur les réseaux sociaux, dans une vidéo sur Facebook. Pour lui, il s’agit de protéger le rocher du Diamant et non d’en faire une marina : “Aujourd’hui, Il n’y a aucune interdiction de mouillage autour du rocher. N’importe quel bateau arrive autour du Rocher et jette son ancre. C’est ce qui racle les fonds marins. […] Il faut interdire le mouillage autour du rocher. Il faut remplacer les bouées existantes par des bouées écologiques, il ne s’agit pas de faire une marina autour du rocher”.
Bien entendu, le maire du Diamant a évoqué le sondage organisé par l’opposition municipale : “Ce sondage n’a aucune valeur statistique ni citoyenne. Il s’agit d’un outil purement politique qui ne reflète ni la réalité du projet, ni la réalité de la population […] On attendait la fin de l’étude sur le projet pour pouvoir l’exposer”
Selon Hugues Toussay, l’idée est de s’orienter vers une Zone de Mouillage à Equipement Léger (ZMEL) qui permettra l’interdiction du mouillage.
La bataille pour la mairie du Diamant a déjà commencé.
J-PM