François Bayrou et Manuel Valls en 2014
Un “kamikaze” de retour au gouvernement
Le dernier remaniement qui a propulsé François Bayrou au poste de Premier ministre a aussi été l’occasion pour Macron et lui de sortir de l’ombre l’ancien Premier ministre socialiste Manuel Walls à la “personnalité un peu kamikaze”, selon les propres mots du chef du gouvernement. Face au refus des autres personnalités approchées, Bayrou a dû se résoudre à embarquer dans galère gouvernementale, avec le rang de ministre d’État, celui qui est déjà passé par presque tout l’arc-en-ciel politique français et même au-delà puisse que l’ancien maire d’Évry, député socialiste et ministre de François Hollande, est allé jusqu’à se présenter, en 2019, aux élections municipales de Barcelone, sa ville natale.
De facto, Manuel Valls revient de loin. Il s’est vu affubler le qualificatif de “traitre” depuis qu’il a préféré rejoindre le camp d’Emmanuel Macron plutôt que d’appeler à voter pour son rival socialiste, comme il s’y était engagé. Au point que le PS avait mis en place contre lui une procédure d’exclusion.
Avec les débats sur la loi “travail” de 2016 et celui sur la déchéance de la nationalité avec François Hollande, il s’éloigne encore plus de sa famille politique. Manuel Valls devient un repoussoir à gauche. Il ne parvient pas pour autant à s’intégrer chez les macronistes, qui l’humilient et le traitent en “paria”.
À l’été 2017, il se présente aux législatives dans son fief d’Évry, sans étiquette, alors qu’il a cherché à obtenir l’investiture de La République en marche Choisi pour sa connaissance des dossiers C’est à la surprise générale que Manuel Valls revient aux affaires comme ministre d’État chargé du dossier brûlant des outre-mer. Dans l’ordre protocolaire, l’ex-socialiste est numéro trois du gouvernement, juste après la ministre d’État de l’éducation Elisabeth Borne, mais devant les ministres de l’Intérieur et de la justice. Un signal fort envoyé aux Outremer confrontés à des crises multiformes : Révolte des kanaks contre le dégel du corps électoral en Kanaky, ravages du cyclone Chido à Mayotte, vie chère et troubles sociaux aux Antilles.
Son expérience aux côtés de son mentor, l’ancien premier ministre Michel Rocard, sous l’égide duquel ont été conclus en 1988 les accords de Matignon, sera précieuse dans la gestion de l’épineux dossier néo-calédonien, que Manuel Valls a également suivi auprès de Lionel Jospin, artisan des accords de Nouméa, puis quand il était lui-même à Matignon, pendant le quinquennat de François Hollande, entre 2014 et 2016. Sa connaissance des crises – notamment les attentats islamistes – lui sera également utile pour trouver des solutions à Mayotte, où la situation humaine et sanitaire est critique, et où il faut tout reconstruire. Mais attachera-t-il la même importance à résoudre l’épineux problème de la vie chère en Martinique ?
Aujourd’hui, avec son entrée dans le gouvernement de Bayrou qui entretient un flirt de plus en plus rapproché avec le Rassemblement national, le théoricien des “deux gauches irréconciliables” a lentement, mais sûrement dérivé vers la droite depuis sept ans. Il ne peut plus compter sur un quelconque soutien de la gauche. Et les Outremers risquent de payer un lourd tribut à cette soif de réhabilitation.
Walls à la Réunion
Après sa visite à Mayotte, Manuel Walls a achevé sa tournée le jeudi 2 janvier par une escale à la Réunion, dont il entend faire la tête de pont pour la reconstruction de l’île ravagée par le cyclone Chido. Autour de la table se trouvaient le préfet de la Réunion Patrice Latron, Huguette Bello, la présidente de la région ainsi que les représentants des PMR, des architectes réunionnais qui devraient être associés à ce gigantesque chantier. Dans un langage teinté d’un relent de colonialisme, Walls a déclaré qu’il serait “absurde” qu’il n’y ait pas une “symbiose” entre ces deux “joyaux français de l’Océan Indien”. Pour le reste, Walls a tenu des propos d’une grande banalité en pareille circonstance. Mais il est fort à craindre que la reconstruction des bidonvilles qui a d’ailleurs déjà commencé prenne le pas sur celle d’un habitat ordonné.
G.E