Mercredi 12 novembre, l’Assemblée nationale a approuvé largement la “suspension” de la réforme des retraites de 2023. La mesure, insérée dans le projet de budget de la Sécurité sociale pour 2026 a été approuvée par 255 voix contre 146 avec le soutien majoritaire des socialistes, des écologistes, du RN, le vote contre des députés communistes et l’abstention des députés Renaissance. Cependant, la situation en Martinique est bien plus critique qu’en France. Louis Maugée nous éclaire sur la situation martiniquaise.
Louis Maugée : Il ne faut pas crier victoire
Bien que la suspension ait été actée jusqu’en 2028, Louis Maugée explique sa vision sur ce vote : “Cette réforme de 2023 est une atteinte aux droits. Ne pas vouloir mettre le curseur là où il faut en évoquant tout simplement que le régime rencontre des difficultés financières. Mais ces difficultés sont liées au problème du chômage. Il ne faut pas oublier que ce sont les cotisations sociales qui alimentent la caisse des retraites. Lorsqu’on se rend compte que les cotisations qui devraient être recouvrées sont exonérées pour les entreprises à hauteur de 300 millions. Nous avons bien vu que le rapport du Sénat concernant les 211 milliards qui sont des exonérations de charges sociales et fiscales, ce sont là les difficultés du système. Les retraités ne sont pas bien lotis ou trop nombreux contrairement à ce qu’ils veulent nous faire croire.”
Le problème émane des difficultés de recettes, car le recouvrement est mal fait : “Lorsqu’on regarde la somme de recouvrement de la CGSS Martinique, la somme est supérieure à 100 Millions d’euros, pour le régime général ou agricole”, nous apprend Louis Maugée.
8 000 demandes d’ASPA par an
L’indicateur qui permet de constater cela en Martinique, c’est le nombre de souscriptions à l’Allocation de Solidarité aux Personnes Âgées (ASPA). Pour rappel, il s’agit d’une prestation mensuelle accordée aux retraités ayant de faibles ressources (revenus et patrimoine) et vivant en France. À la différence d’une pension de retraite qui, elle, est issue de cotisations vieillesse versée par un travailleur au cours de sa vie professionnelle, l’ASPA est une aide sociale financée par l’État, gérée par le Fonds de solidarité vieillesse et versée par les caisses de retraite. À ce titre, les sommes versées au titre de l’Aspa peuvent être récupérables sur la succession (donc après le décès du bénéficiaire) dans certains cas. L’Aspa ne doit être remboursée par les héritiers que si la valeur nette du patrimoine du défunt est supérieure à 107 616 euros.
Selon Louis Maugée, 8 000 personnes souscrivent chaque année en Martinique : “Chaque année, il y a grosso modo un millier de retraités de plus. Toutes ces personnes-là avec des revenus insuffisants, sont obligées de souscrire. Ça montre bien l’insuffisance des rémunérations. Il ne faut pas oublier que la première conséquence, c’est justement de ce manque de pouvoir de la cotisation. De plus en plus, il y a des salariés qui sont à temps partiel. Alors lorsqu’on fait leur compte : la précarisation de l’emploi, c’est-à-dire, le temps partiel, l’intérim, les contrats aidés, les CDD, etc, en ce moment un peu la moitié des salariés sont à temps partiel, un 1/2 salaire. C’est l’accumulation de toute cette situation qui est faite à l’emploi qui crée le problème de l’entrée d’argent. Si les entreprises considèrent que c’est une charge, nous nous considérons que c’est une cotisation.”
Une suspension dissimulée en Martinique
Autre élément à prendre en compte, c’est la suspension temporaire : “Parce qu’on dit que les 3 milliards, c’est nous qui les payerons. De plus en Martinique, l’âge de départ moyen est de 65 ans en 2023. Ça a dû s’aggraver. Lorsqu’on dit qu’il faut des annuités ça veut dire qu’il faut travailler. Donc plus on rentre tard dans le système de l’emploi, c’est plus tardivement qu’on aura une retraite à taux plein. La réforme ne signifie rien pour nous, car nous sommes déjà dans le système qui correspond aux âges prévus par la réforme des retraites de 2023.”
J-PM

