
L’Agence nationale anticorruption a mis au jour, après 15 mois d’enquête, un système criminel qui extorquait des fonds à des sous-traitants de l’entreprise publique du nucléaire Energoatom. Un scandale à 100 millions de dollars qui aurait été orchestré par Timour Minditch, proche du président Volodymyr Zelensky, et dans lequel serait impliqué l’actuel ministre de la Justice, suspendu mercredi 12 novembre.
100 millions de dollars en jeu et un vaste système de corruption mis au jour. L’ “opération à grande échelle” visant le géant énergétique Energoatom annoncée lundi 10 novembre par l’Agence nationale anticorruption (NABU) n’en finit plus de secouer l’Ukraine. Un proche du président Volodymyr Zelensky, Timour Minditch, a été accusé mardi 11 novembre par des enquêteurs d’être au cœur du scandale qui pourrait éclabousser le pouvoir.
Également suspecté d’être impliqué dans ce système de corruption dont il aurait personnellement bénéficié, le ministre de la Justice, German Galushchenko, a été suspendu. “Je me défendrai devant les tribunaux et prouverai mon point de vue”, a réagi ce dernier, avant de présenter sa démission mercredi 12 novembre, peu après que la ministre de l’Énergie, Svitlana Hryntchouk qui a été l’adjointe de Galushchenko, ait fait de même.
Zelensky réclame la démission de deux ministres
Après de longues hésitations, le président ukrainien avait réclamé leur démission. “Le ministre de la Justice et la ministre de l’Énergie ne peuvent pas rester à leur poste”, a-t-il indiqué dans un message publié sur les réseaux sociaux, ajoutant avoir demandé à la première ministre de veiller “à ce que ces ministres remettent leur démission”.
Quinze mois d’enquête
Autant de conséquences de l’opération “Midas”, menée après quinze mois d’enquête en collaboration avec le SAPO (le parquet spécialisé anticorruption), qui a abouti à “70 perquisitions” mettant au jour un système criminel qui extorquait des fonds à des sous-traitants de l’entreprise publique du nucléaire Energoatom. Cette dernière a confirmé avoir fait l’objet d’une perquisition et a dit coopérer à l’enquête, sans commenter les accusations de corruption.
La NABU a expliqué sur les réseaux sociaux que les sous-traitants d’Energoatom ont été contraints de verser des pots-de-vin de 10 % à 15 % afin d’éviter de perdre leur statut de fournisseur et éviter l’interdiction de leurs produits et services. Un scandale qui implique également l’ancien vice-premier ministre Oleksіï Tchernichov et l’ex-ministre de la Défense et actuel secrétaire du Conseil national de sécurité et de défense, Roustem Oumerov.
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“Le travail accompli a permis d’obtenir des milliers d’heures d’enregistrements audio, qui constituent des preuves des activités d’une organisation criminelle de haut niveau opérant dans les secteurs de l’énergie et de la défense”, a expliqué l’Agence anticorruption dans un communiqué lundi 10 novembre avant que la déflagration ne s’approche du sommet de l’État. Un sujet d’autant plus sensible pour la population que les frappes russes engendrent des coupures d’électricités récurrentes, avec une inquiétude croissante à l’approche de l’hiver.
“Avantages personnels”
Alors que cinq personnes ont été interpellées et sept inculpées, “M. Minditch exerçait un contrôle sur l’accumulation, la distribution et la légalisation de fonds d’origine criminelle dans le secteur énergétique ukrainien”, a ajouté mardi 11 novembre un procureur du SAPO, devant la justice. Le suspect a profité de ses “relations privilégiées avec le président ukrainien” pour ses activités criminelles, a-t-il affirmé.
Copropriétaire de la société de production audiovisuelle Kvartal 95, fondée par Volodymyr Zelensky, qui était un humoriste vedette avant de se lancer en politique, Timour Minditch a été un homme clé dans l’ascension du chef d’État ukrainien. Il aurait quitté le pays peu avant la perquisition de son domicile, selon les déclarations à la télévision d’Etat d’Oleksander Abakoumov, chef de l’équipe d’enquête du NABU.
Le gouvernement ukrainien a également limogé mardi 11 novembre le conseil de surveillance d’Energoatom, considéré comme un élément central du système de corruption selon les enquêteurs. Cette décision, conjuguée à un audit d’urgence mené par l’État, a été qualifiée par la première ministre Ioulia Svyrydenko de “premières mesures pour la relance d’Energoatom”.
Après les perquisitions de lundi 10 novembre, le président Zelensky avait déclaré que toutes les actions contre la corruption étaient “absolument nécessaires”, encourageant les responsables à coopérer avec les organismes anticorruption. Mais il n’a toujours pas encore commenté les accusations portées à l’encontre de Timour Minditch.
Avec la probable chute de Pokrovsk dans la région de Donetsk, le front pourrait connaître un nouveau tournant en cette fin d’année. D’autres villes sont menacées comme Kostiantynivka, Dobropillia, mais aussi Koupiansk plus au nord ou la région de Zaporijjia au sud.
Pokrovsk va-t-elle pouvoir encore tenir longtemps ? La ville qui se trouve dans la région de Donetsk dans l’est de l’Ukraine doit faire face à une progression de l’armée russe. Après des mois de combats, la stratégie de prise en tenaille de l’agglomération Pokrovsk-Myrnohrad arrive à son terme alors que l’essentiel des 60 000 habitants présents avant l’invasion russe en 2022 ont pu fuir. “Nous ne contrôlons plus que quelques quartiers. C’est extrêmement inquiétant”, constate un militaire ukrainien.
Moscou maintient ses principales revendications pour signer un accord. “Vladimir Poutine exige que l’Ukraine évacue ses forces de 25 % du Donbass. On parle essentiellement de la conurbation Kramatorsk-Slaviansk, fortifiée par les Ukrainiens depuis 2014. Il y a donc pour le Kremlin un enjeu militaire et politique. Moscou ne peut décemment pas proclamer une victoire si les forces ukrainiennes restent présentes dans le Donbass. Une éventuelle porte de sortie serait de démilitariser et de placer ces 25 % sous administration internationale. Les Russes comme les Ukrainiens sont, me semble-t-il, accessibles à cette option…”, analyse le directeur adjoint de l’Observatoire franco-russe, Igor Delanoë.
(Avec la rédaction de l’Humanité des 12 et 14 novembre 2025)

