Les minimas sociaux et les prestations de solidarité réduisent l’exposition à la pauvreté

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Les intervenants ont donné des précisions sur le lien entre le travail et la pauvreté en Martinique

L’institut national de la statistique et des enquêtes économiques (Insee) et la Direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités(Deets) ont tenu une conférence de presse le jeudi 11 décembre dernier dans les locaux de la Deets sur le thème suivant : Travail et pauvreté.

Etaient présents (photo de G à D) :

Pierre-Emile Bidoux, chef de division action de l’insee Martinique ;

Véronique Rémir, responsable service Etudes statistiques et évaluation,  Deets ;

Yannick Decompois, Directeur de la Deets ;

Bertrand Aumand, Directeur Insee Martinique.

L’étude de l’insee a été publiée sous le titre : “Les revenus d’activité des ménages réduisent de plus de moitié le risque de pauvreté en Martinique” (Insee Analyse Martinique n°80 du 11/12/2025).

Elle est présentée en résumé comme suit :

“En 2021, 12 % des ménages percevant principalement des revenus d’activité vivent sous le seuil de pauvreté, contre 30 % de l’ensemble des ménages en Martinique. Ainsi, dans la région, lorsque les revenus d’activités professionnelles constituent la source principale de revenu d’un ménage, le risque de se trouver en situation de pauvreté monétaire diminue de moitié. Le taux de pauvreté des ménages de travailleurs en Martinique se rapproche de celui observé en Hexagone, tandis que l’écart reste beaucoup plus grand pour l’ensemble des ménages.

Sans les effets de la redistribution, un ménage de travailleurs sur cinq serait en situation de pauvreté monétaire. Le versement de prestations sociales permet ainsi de diminuer de 45 % le nombre de ménages de travailleurs vivant sous le seuil de pauvreté.

Les ménages composés d’un seul adulte, familles monoparentales en tête, sont plus souvent concernés par la pauvreté, même lorsque celui-ci perçoit principalement des revenus d’activité .

Les ménages de travailleurs de la Communauté d’Agglomération du Pays Nord sont plus souvent en situation de pauvreté monétaire que ceux de la Communauté d’agglomération du centre. Ils le sont aussi nettement plus dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville”.

Après une introduction du Directeur de la DEETS, M. Decompois, il revint à Pierre-Emile Bidoux de présenter l’étude.

Nous reproduisons ci-après une synthèse.

Un ménage de travailleurs sur huit vit sous le seuil de pauvreté

En Martinique, 52 % des ménages tirent principalement leurs ressources financières d’une activité professionnelle (dits ménages de travailleurs). Parmi eux, 12 % vivent sous le seuil de pauvreté, soit avec moins de 1 150 euros par mois et par unité de consommation (UC). Cela représente

9 240 ménages, considérés comme des ménages pauvres de travailleurs et regroupant 22 800 personnes, dont 6 300 enfants.

Indiquons que pour qu’un ménage soit considéré comme travailleur, la source principale de son revenu déclaré doit provenir d’activités professionnelles, salariées ou non, et ces revenus d’activités doivent dépasser 20 % du revenu disponible du ménage (une fois prise en compte des prestations sociales).

Un ménage est considéré comme pauvre lorsque son niveau de vie est inférieur au seuil de pauvreté. Le seuil, fixé à 60 % du niveau de vie médian en France, s’élève à 1 150 € mensuels en 2021 pour une personne seule.

En 2021, 9 240 ménages de Martinique sont considérés
ménages pauvres de travailleurs

En Martinique, la part de ménages en situation de pauvreté monétaire s’élève à 30 %. Ainsi, percevoir des revenus d’activités diminue de plus de moitié le risque pour un ménage de se retrouver en situation de pauvreté. Cela confirme que c’est le travail qui libère.

En effet, en France , 15 % de l’ensemble des ménages sont considérés comme pauvres et parmi les 57 % des ménages de travailleurs, 9 % d’entre eux vivent sous le seuil de pauvreté.

En Martinique, la moitié des ménages pauvres de travailleurs vit avec moins de 941 € par mois et par unité de consommation. Leur niveau de vie médian reste supérieur à celui des ménages pauvres de non travailleurs d’environ 150 €.

Sans redistribution, plus d’un ménage de travailleurs sur cinq vivrait sous le seuil de pauvreté

Le calcul du niveau de vie d’un ménage avant redistribution met en œuvre deux aspects : il intègre l’ensemble des revenus (activités, revenus financiers et fonciers) avant impôts et prestations sociales et le nombre d’unités de consommation, reflétant la composition du ménage.

Avant redistribution, 16 730 ménages de travailleurs seraient pauvres, soit plus d’un ménage de travailleurs sur cinq.

Les minimas sociaux et les prestations de solidarité, telles que les allocations familiales, les aides au logement, le revenu de solidarité active (RSA) ou encore le minimum vieillesse, réduisent l’exposition à la pauvreté.

Ainsi, grâce au versement de ces différentes prestations en complément de leurs revenus d’activité, 7 760 ménages échappent à la pauvreté monétaire. Il demeure 9 240 ménages pauvres après redistribution.

« L’aide sociale est un véritable bouclier contre la pauvreté », souligne Yannick Decompois, directeur de la Deets Martinique.

30 % du revenu disponible des ménages pauvres de travailleurs provient des prestations sociales

Les prestations sociales et les minimas sociaux jouent un rôle essentiel dans le soutien du niveau de vie des ménages avec des revenus d’activité modestes. Ces transferts constituent une composante importante de leur revenu disponible : en moyenne, les prestations sociales représentent 30 % du revenu disponible des ménages pauvres de travailleurs en Martinique, soit quatre fois plus que pour l’ensemble des ménages de travailleurs. En effet, en moyenne, les ménages pauvres de travailleurs perçoivent mensuellement 1 042 € de revenus d’activité et 431 € de prestations sociales, contre respectivement 3 571 € et 264 € pour l’ensemble des ménages de travailleurs. Cette forte dépendance aux prestations sociales souligne la fragilité économique des ménages pauvres en Martinique et l’importance du système redistributif dans la réduction des inégalités de revenus. Ce n’est pas de l’assistanat comme certains petits bourgeois le répètent, mais de la solidarité.

Indiquons que le revenu disponible est le revenu à la disposition du ménage pour consommer et épargner. Il comprend les revenus d’activité nets des cotisations sociales, les indemnités de chômage, les retraites et pensions, les revenus du patrimoine (fonciers et financiers) et les autres prestations sociales perçues, nets des impôts directs.

Pour l’ensemble des ménages pauvres de Martinique près de la moitié du revenu disponible (45 %) est composé des prestations sociales et minima sociaux. En moyenne, le montant des aides sociales perçues par ces ménages est légèrement supérieur aux ménages pauvres de travailleurs (493 € contre 431€) tandis que leur revenu du travail est, par définition, bien inférieur (239 € contre 1 042€).

Un ménage pauvre de travailleurs sur trois est une famille monoparentale

En Martinique, un ménage de travailleurs sur quatre est une famille monoparentale, contre un sur trois parmi les ménages pauvres de travailleurs.

Cela traduit une exposition plus grande aux situations de pauvreté monétaire des familles monoparentales et plus largement aux ménages composés d’un seul adulte. Cette situation concerne notamment une majorité de femmes qui sont à la tête des familles monoparentales.

Les ménages de travailleurs de la Communauté d’agglomération du Pays Nord sont plus souvent pauvres

La prépondérance des ménages pauvres de travailleurs varie selon les territoires. Ainsi  la Communauté d’agglomération du Pays Nord concentre la plus forte proportion de ménages pauvres de Martinique : 35 % des ménages de cette intercommunalité vivent sous le seuil de pauvreté. Plus âgé, ce territoire se distingue également par le plus faible taux de ménages ayant des revenus d’activité (49 %). Parmi eux, 2 700 ménages sont pauvres, soit 14 % des ménages de travailleurs de cette intercommunalité.


En 2021, 12 % des ménages de travailleurs vivent sous le seuil de pauvreté
en Martinique

Dans les QPV, un ménage de travailleurs sur cinq est confronté à la pauvreté monétaire

Les quartiers prioritaires de la politique de la ville(QPV) sont, par construction, les territoires urbains les plus concernés par la pauvreté. Au sein de ces quartiers, 19 % des ménages de travailleurs vivent sous le seuil de pauvreté.

Un bénéficiaire de l’aide alimentaire sur dix a une activité professionnelle en Martinique.Une situation de grande misère.

En 2025, la Direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DEETS) a mené une enquête auprès des bénéficiaires de l’aide alimentaire en Martinique. Celle-ci poursuit quatre objectifs principaux : dresser le profil socio-économique des bénéficiaires, établir un état des lieux de leurs habitudes alimentaires, identifier leurs besoins et recueillir leur appréciation sur les structures qui les accompagnent.

Les premiers résultats mettent en évidence que plus de la moitié des bénéficiaires sont des femmes. La précarité alimentaire touche principalement les personnes âgées de 35 à 64 ans (66 %), soit la population en âge de travailler. Le niveau de qualification constitue également un facteur déterminant : 44 % des bénéficiaires sont sans diplôme, contre 29 % au sein de la population générale.

L’accès à l’emploi demeure limité : seuls 11 % des bénéficiaires déclarent exercer une activité professionnelle, le plus souvent dans le cadre de contrats précaires ou de courte durée (51 %).

Les prestations sociales et les aides publiques représentent la principale source de revenus pour 58 % des bénéficiaires. Par ailleurs, les opérateurs signalent une augmentation du nombre de retraités ayant recours à l’aide alimentaire, désormais estimés à 19 % des bénéficiaires.

L’aide alimentaire en nature, assurée par les associations et les centres communaux d’action sociale (CCAS), se décline principalement en trois formes : la distribution de colis ou paniers alimentaires, les épiceries sociales et les repas servis directement aux bénéficiaires.

En réalité il s’agit d’une situation de misère.

Pour faire reculer la pauvreté, il faut créer des emplois et du travail. Donc mettre en œuvre un autre type de développement. La politique actuelle d’austérité ne peut qu’accroître la pauvreté.

Michel Branchi avec Insee et DEETS