Les bouleversements provoqués au plan international par la guerre commerciale déclenchée par la décision du président étasunien Donald Trump de majorer de manière démentielle les droits de douane peut-elle avoir des conséquences en Martinique et dans ce quʼon appelle lʼoutre-mer ?
Dʼautant que, pour la première fois, ces territoires sont visés, même de manière différenciée, par les décisions prises dans le bureau ovale de la Maison blanche par lʼoligarque qui y règne. Finalement, les taux fixés pour les pays dits dʼoutre-mer sont alignés sur 10 %.
Hervé Mariton, le président de la FEDOM, fédération des entreprises des DOM, lobby patronal, interrogé par la 1ère, estime quʼil y aura des conséquences directes pour certains produits. Par exemple, le Coderum qui représente la production des rhums dʼoutre-mer, a déjà lancé un cri dʼalarme sur la menace qui pèse sur cette activité. Elle exporte sur le marché américain et la taxe de 10 % va réduire la compétitivité des rhums antillais : 700 millions de dollars de taxes sur les rhums seraient déjà reversés en 2021 à leurs concurrents américains. Une diminution de la fréquentation touristique risque dʼêtre induite par lʼinflation et la baisse du pouvoir dʼachat des foyers américains entrainée par la hausse des droits de douane et aurait des effets négatifs pour le spiritourisme, est-il avancé par le Coderum.
Les négociations sur nos échanges commerciaux avec les États-Unis ne sont pas du ressort des territoires dits ultra-marins ni même de la France, mais de lʼEurope qui généralement nʼa cure de nos intérêts.
Selon la Fedom ce sont surtout les impacts indirects de la nouvelle politique américaine qui seront très lourds, notamment sur les routes et le prix du transport maritime, dans un contexte où, rappellet-elle, lʼessentiel des produits consommés Outremer sont importés.
Or nos pays restent aux prises avec le fléau de la vie chère. Récemment, le Sénat a présenté le 3 avril son rapport sur la lutte contre la vie chère dans les territoires ultramarins.
Les sénateurs ont listé plusieurs mesures censées, selon eux, résoudre le problème de la cherté de la vie : renforcer la transparence sur les marges des entreprises ; donner plus de poids aux observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR) ; moderniser les infrastructures portuaires et aéroportuaires pour améliorer la compétitivité des territoires et les intégrer davantage dans leur bassin régional ; doper la concurrence ; revaloriser la prime d’activité ; assouplir les normes européennes… Fort bien.
Mais sʼil est question de transparence des marges, on ne voit aucune mesure dʼencadrement des prix et des marges. On semble rester dans la liberté des prix. Par ailleurs, lʼoctroi de mer est encore sur la sellette de la délégation sénatoriale outre-mer pour baisser les prix, bien quʼil soit reconnu quʼil a un rôle de protection de la production locale. Il nʼy a pas que Trump à manier lʼarme du protectionnisme. Et face à lʼimpact éventuel des nouvelles taxes douanières sur nos productions lʼoctroi de mer peut-être un des boucliers possibles.
Cela doit être envisagé, car la conjoncture économique de la Martinique est “dégradée” selon la dernière note de conjoncture de lʼIedom de mars 2025 pour le 4ᵉ trimestre 2024 : Lʼactivité des entreprises se détériore, le marché de lʼemploi montre des signes de fragilisation, la consommation des ménages ralentit, les recettes de TVA et dʼoctroi de mer reculent, le BTP est frappé par une crise historique, lʼactivité des entreprises se détériore, etc. Déjà, le surendettement a augmenté de 13 % en 2024 en frappant prioritairement les femmes (Justice n° 10). Et les faillites dʼentreprises ont dérapé de + 20 % sur les deux premiers mois de lʼannée 2025, dʼaprès la revue économique Interentreprises.
La population a encore baissé en 2024 et la Martinique continue à vieillir, nous apprend à nouveau lʼInsee.
Comme si cela ne suffisait pas, on apprend que le gouvernement veut réduire en 2026 le budget de lʼÉtat et donc des Pays dits dʼoutre-mer de 40 milliards dʼeuros.
Face à ces contraintes, le pays Martinique doit serrer les rangs, se ressaisir et défendre chèrement ses intérêts en mobilisant ses intelligences, son imagination, ses ressources et sa volonté.
Michel Branchi
14/04/2025