Difficultés financières de la CTM : Serge Letchimy tente de répondre à Manuel Valls

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Manuel Valls et Serge Letchimy à la sortie de leur rencontre

Lors de sa visite en Martinique, le ministre chargé des Outre-mers, Manuel Valls, avait fait une déclaration sur RCI sur la situation financière de la Collectivité Territoriale de la Martinique en disant que l’Etat n’avait aucune responsabilité dans les difficultés de cette institution.
Lors de l’émission de Radio Caraïbes International (RCI) “Lundi Politique” du lundi 24 mars, Serge Letchimy, le président de l’exécutif de la CTM, s’est défendu en répondant à l’intervention de Manuel Valls. Voici les mots prononcés par Manuel Valls lors d’une interview réalisée durant sa visite en Martinique. Le message est clair, le ministre veut que Serge Letchimy reconnaisse sa part de responsabilité dans les retards de paiement des aides sociales ou encore le manque de subventions dans les domaines du sport et de la culture.

Manuel Valls : “Serge Letchimy, je crois, a parlé d’1,5 milliard qui correspondent à la totalité des aides sociales versées par la CTM. Soyons clair, l’Etat a bien sûr compensé les prestations sociales comme pour tout département. La CTM, c’est vrai, est en difficulté financière, elle a 180 millions de dettes auprès de la Caisse des allocations familiales. J’ai rencontré les acteurs sociaux, culturels, sportifs qui n’ont plus de subventions déjà depuis un certain nombre d’années. Je suis conscient de ces difficultés, mais j’appelle aussi à la maîtrise de la dépense publique, à la bonne gestion. Je suis ouvert à la discussion, mais sur la base de vrais chiffres […] Il faut travailler sur des vrais chiffres, sur un diagnostic partagé, sur la transparence concernant le fonctionnement, les recrutements, les investissements à venir, parce que ce qu’il faut préserver c’est l’investissement, c’est l’avenir donc la DGFIP, la DGCL, la Chambre régionale des comptes sont à la disposition et le préfet fera les propositions au présent de l’exécutif pour avancer sur ces dossiers. Je suis conscient de cette situation, mais là encore, chacun doit prendre ses responsabilités. Ce n’est pas l’Etat qui est responsable de la situation financière de la CTM.”
Interrogé par Cédric Catan et Philippe Diser , Serge Letchimy a répondu aux propos du ministre : “Manuel Valls a pris un ton de donneur de leçon. Je ne critique pas de manière aussi directe un Etat qui a laissé à l’abandon la Martinique aux mains du narcotrafic, je ne critique pas ça, car je pense qu’il y a des circonstances, un Etat qui a laissé l’économie de contrôle s’installer pendant des siècles et des siècles jusqu’à créer une situation extrêmement grave en matière d’inégalité dans le pays, 76 000 personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté. Si on peut se satisfaire au niveau de la République d’une telle situation avec des jeunes qui sont en situation extrêmement compliquée, difficile et qui quittent le pays et qu’on s’exprime aussi facilement, je trouve que ça donne un ton de donneur de leçon […] Je suis un autonomiste au sein de la République, et je ne veux pas n’ont plus dire que monsieur Valls ment, je dirai plutôt qu’il s’est trompé, qu’on lui a donné de mauvais chiffres.”
Selon Serge Letchimy, en 2004 les Aides Individuelles de Solidarité (AIS), qui sont composées de 3 volets (APA : Aides pour l’autonomie des Personnes Agées, PCA : Aides pour les personnes en situation de handicap, RSA : Revenu de solidarité active), sont passées de 179 millions à 326 millions d’euros en 2024. “Il y a plus de 148 millions en plus par an […] pour les 179 millions, l’Etat a accordé 156 millions d’euros de financement […] Ce qui reste à charge, c’était 23 millions soit 12%. En 2024, ce qui a été payé, c’est 326 millions euros de dépenses, la part de l’Etat c’est 257 millions d’euros, le reste à charge est de 110 millions pour la collectivité. Nous sommes passés de 12% à 33% de prise en charge de la collectivité.”
Selon le PCE, c’est logique que la CTM soit en difficulté pour payer la part de RSA à la CAF. Des discussions sont en cours pour trouver des solutions avec un échéancier de paiement.

RCI : Vous avez pointé du doigt le rôle de l’Etat, mais aujourd’hui, il y a une réalité, il y a des satellites en souffrance, un monde associatif également, le monde sportif… Quelles perspectives peuvent avoir la Martinique pour les prochaines années ? Est-ce qu’on va rentrer dans une longue période de rigueur budgétaire ?
Serge Letchimy :“L’Etat français est dans un processus de rigueur, la plupart des régions réduisent leur budget. On est dans la rigueur, mais on essaye d’aider un maximum de personnes. Contrairement à ce que Manuel Valls raconte, on soutient énormément d’associations. La seule chose, c’est que le budget est moindre, au lieu de donner 80%, on donne 50%, au lieu de donner 50, on donne 30%. On ne peut pas rester sur des mécanismes traditionnels de financement. Les temps ont changé, l’argent est rare pour tout le monde, je rappelle que l’Etat est aujourd’hui en faillite.” Pour rappel, Serge Letchimy a émis la volonté de porter plainte contre l’Etat Français. Selon Serge Letchimy l’Etat doit 1,5 milliard d’euros à la collectivité. Cette enveloppe concerne les aides individuelles de solidarité avancées par la collectivité majeure depuis près de dix ans.

“35 ans de vie politique, c’est bon !”

Dans cette interview, Philippe Diser a remis sur la table une affirmation du président de l’Assemblée de Martinique, Lucien Saliber qui indique que Serge Letchimy pourrait se retirer de son poste avant la fin de sa mandature.
Le PCE s’est expliqué : “J’ai clairement indiqué que 35 ans de vie politique, c’est bon. […] On en a parlé (ndlr : Lucien Saliber et Serge Letchimy). Nous arrivons à la fin d’une mandature, soit on attend la fin du mandat ,soit on peut passer la main. Pierre Samot a eu l’élégance de passer la main. Je trouve que c’est classe et respectueux. On n’est pas accroché à un pouvoir. Honnêtement, on en parle.”
En réalité, on joue au poker menteur. Manuel Valls ne peut esquiver le fait que d’une part l’Etat ne compense pas les aides individuelles de solidarité (AIS) et d’autre part diminue les soutiens aux collectivités locales. Le budget de l’Etat est en déficit aggravé en 2025 de près de 6 % du PIB et le gouvernement est contraint de diminuer les crédits pour retrouver la norme européenne de 3% du PIB entre 2027 et 2030. Le gouvernement ne peut se défausser de ses obligations à l’égard des pays dits d’outre-mer.
Serge Letchimy ne peut expliquer pourquoi la CTM n’arrive pas à payer ce qu’elle doit aux entreprises, aux associations, à ses satellites, etc. Il fait état d’un “trou” que plusieurs 270 millions d’euros qu’aurait laissés la mandature précédente. Il n’a jamais présenté d’audit pour prouver l’existence de ce déficit. La Chambre régionale des comptes qui a examiné les comptes de la CTM sous la mandature d’AMJ n’a pas décelé de déficit.

Jean-Philipp MERT

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