Conflit russo-ukrainien : En visite surprise à Moscou, Viktor Orban agace les dirigeants européens

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Au terme de sa première semaine à la tête de la présidence tournante de l’Union européenne, le premier ministre hongrois s’est rendu le vendredi 5 juillet en Russie. Lors de sa rencontre avec le président russe au Kremlin, les discussions ont porté sur la paix en Ukraine alors que Viktor Orban a été à Kiev, mardi 2 juillet. 

Après s’être rendu dans la capitale ukrainienne, mardi 2 juillet, le premier ministre hongrois est arrivé le vendredi 5 juillet à Moscou, selon l’agence russe Tass. “Il prévoit de discuter avec le président russe Vladimir Poutine des moyens de résoudre le conflit en Ukraine” explique son porte-parole, Bertalan Havasi. 

Cette visite dans la capitale russe de Viktor Orban qui assure la présidence tournante de l’Union européenne, depuis le 1er juillet, a été immédiatement perçue comme “une nouvelle provocation” par de nombreux diplomates euopéens. Le chef de la diplomatie, Josep Borrell, a affirmé vendredi 5 juillet que le dirigeant hongrois “n’a reçu aucun mandat du Conseil de l’UE pour se rendre à Moscou” et que “la visite du Premier ministre Viktor Orban à Moscou a lieu, exclusivement, dans le cadre des relations bilatérales entre la Hongrie et la Russie”

Un entretien au Kremlin 

Que va chercher, Viktor Orban ? La dernière rencontre entre les deux dirigeants s’était tenue en Chine, en octobre afin de discuter des besoins et de leur coopération. Son ministre des Affaires étrangères a effectué au moins cinq voyages en Russie depuis le 24 février 2022 et l’invasion de l’Ukraine. Les liens économiques et énergétiques entre les deux pays restent importants. Moscou demeure une source d’importation de gaz conséquente pour la Hongrie. 

Cet entretien qui se tient au Kremlin avec le président russe s’inscrit dans l’action diplomatique commencée à Kiev, mardi 2 juillet. Lors de sa visite et d’une conférence de presse commune avec le président ukrainien, le premier ministre hongrois avait annoncé : “J’ai demandé au président de considérer la possibilité d’un cessez-le-feu rapidement” qui serait “limité dans le temps et permettrait d’accélérer les négociations de paix”. De son côté, Volodymyr Zelensky a réagi qu’il “est important d’apporter une paix juste à l’Ukraine et à l’ensemble de l’Europe” en s’alignant sur les démarches de paix ukrainiennes. 

Certaines réactions européennes interpellent alors que sur le terrain, l’armée ukrainienne apparaît en difficulté. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a jugé que “l’apaisement n’arrêtera pas Poutine. Seules l’unité et la détermination ouvriront la voie à une paix complète, juste et durable en Ukraine”. Le chancelier allemand, Olaf Scholz a pointé : Orban ne représente pas l’UE et réaffirmé le “message clair de l’Union est que l’Ukraine peut compter sur notre solidarité”

Budapest flexible 

Alors que l’UE a adopté fin juin, un quatorzième paquet de sanctions contre Moscou, Viktor Orban, critique virulent de l’aide militaire et financière occidentale à l’Ukraine, bloque toujours le fonctionnement de la Facilité européenne pour la paix (FEP). Il s’agit d’un véhicule extrabudgétaire utilisé par les Vingt-sept pour acheminer du matériel militaire en Ukraine. 

À plusieurs reprises, le premier ministre hongrois s’est opposé aux sanctions contre la Russie, à un accord sur l’exportation du blé ukrainien et à une aide européenne de 50 milliards au début de l’année. En juin, Budapest a montré néanmoins plus de flexibilité notamment sur la question des négociations d’adhésion de l’Ukraine et la Moldavie à l’UE. 

Par ailleurs, lors du sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai, qui s’est tenu mercredi 3 et jeudi 4 juillet, à Astana, les 10 pays membres et 14 États partenaires ont promis de s’affirmer comme une forme d’alternative à l’Occident. 

Vladimir Poutine, Xi Jinping, Recep Tayyip Erdogan et Antonio Guterres se sont retrouvés mercredi et jeudi à Astana dans la capitale du Kazakhstan. Les dirigeants russes, chinois et turc ont participé avec le secrétaire général des Nations unies au sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). 

Créée en 2001, cette structure régionale qui réunit désormais dix membres – Chine, Inde, Iran, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Ouzbékistan, Pakistan, Tadjikistan et Biélorussie — revendique de regrouper 40 % de la population et environ 30 % du PIB (Produit intérieur brut) mondiaux. 

Après la visite du président russe, les 16 et 17 mai derniers, à Pékin, Vladimir Poutine a de nouveau plaidé avec son homologue chinois, Xi Jinping pour un ordre mondial “multipolaire”. “Nous devons nous unir pour résister aux ingérences extérieures, nous soutenir fermement les uns les autres, nous soucier de nos préoccupations mutuelles, gérer les différends internes en faisant de la paix notre priorité”, a lancé le président chinois. “Le monde se trouve à nouveau à un carrefour”, a-t-il ajouté, “il est extrêmement important pour le monde que l’OCS se place du bon côté de l’Histoire, du côté de l’équité et de la justice”

La Biélorussie intègre l’OCS 

Le dirigeant chinois a aussi appelé à “préserver le droit au développement”, “promouvoir conjointement l’innovation technologique” et “maintenir la stabilité et la fluidité des chaînes industrielles et d’approvisionnement” tout en plaidant pour “la réalisation d’objectifs de développement communs”. “Face à la situation internationale et la volatilité du monde”, Xi, Jinping a souhaité mercredi que les deux pays consolident leur amitié “pour les générations à venir”

La déclaration finale évoque “l’engagement de tous les participants de l’OCS en faveur de la formation d’un ordre mondial multipolaire équitable”, les “changements tectoniques en cours dans la politique mondiale” et la nécessité de renforcer le rôle de l’OCS. 

La Biélorussie, qui a rejoint officiellement l’organisation ce mercredi, a expliqué son choix par la nécessaire appartenance à des “plates-formes internationales alternatives, d’autres centres de pouvoir, où les intérêts de tous les États sans exception sont respectés”. Devant l’ampleur prise par l’OCS, le secrétaire général des Nations unie, Antonio Guterres a décidé d’assister à cette réunion avant de poursuivre une série de visites en Asie centrale. 

Erdogan invite Poutine 

La Turquie et les pays arabes du Golfe font partie des 14 “États partenaires de dialogue” de l’organisation. Le jeudi 4 juillet, lors du Sommet, la stabilisation sécuritaire de l’Asie centrale et la “lutte contre le terrorisme” ont été abordés. Le président Recep Tayyip Erdogan a invité Vladimir Poutine en Turquie lors d’un entretien bilatéral et plaidé pour une “paix juste” en Ukraine. 

Absent depuis le retour au pouvoir des talibans à l’été 2021, l’Afghanistan, qui est un pays observateur pourrait revenir au sein de l’OCS. Si aucun des pays n’a encore reconnu officiellement les talibans, la Chine a nommé un ambassadeur à Kaboul, le Kazakhstan a retiré le mouvement de la liste des organisations terroristes et Moscou pourrait rapidement faire de même. 

Depuis Astana, le président russe a affirmé le jeudi 4 juillet : “Les talibans sont certainement nos alliés dans la lutte contre le terrorisme car tout pouvoir en place est intéressé par la stabilité de son pouvoir et par la stabilité de l’État qu’il dirige”. 

Parmi les membres de l’OCS, le premier ministre indien, Narendra Modi qui n’avait pas fait le déplacement à Astana entamera une visite officielle en Russie les 8 et 9 juillet. Une première depuis l’invasion russe de l’Ukraine en février 2022 où il sera question du développement des relations et du contexte international. Le dernier voyage officiel de Narendra Modi en Russie remontait à 2019, quand il s’était rendu à Vladivostok.

Vadim Kamenka (L’Humanité des 4 et 5 juillet 2024) 

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