Nous avons reçu une étude très intéressante de Mme Mireille Pierre-Louis datée du 30 novembre 2025 et intitulée : “Laboratoire d’un ultralibéralisme dévastateur. Les confettis de l’Empire sous pression”. Cette “contribution” présentée “à titre personnel” rejoint les préoccupations de Justice sur la baisse du budget 2026 dans les DOM et ses effets extrêmement dommageables (voir article).
Mireille Pierre-Louis est une agroéconomiste spécialisée notamment dans les questions d’octroi de mer et de fonds européens. Nous pensons utile d’en présenter un résumé.
Ce document, rédigé par Mireille Pierre-Louis le 30 novembre 2025, critique vivement la politique budgétaire de l’État français envers les Départements d’Outre-mer (DOM), en particulier les Antilles.
Le poids réel des Outre-mer dans le budget de l’État ?
• Seulement 3,6 % du budget de l’État est alloué aux Outre-mer, ce qui est inférieur à leur poids démographique
• Contrairement à un préjugé tenace, les prestations sociales versées aux ménages des DOM sont en moyenne deux fois plus faibles par habitant que dans l’Hexagone (7 509 €/Habitant en Hexagone contre 5 090 € en Guadeloupe et 4698€ en Martinique). Elles ne représentent que 1 % du budget de la sécurité sociale.
Les Antilles comme « variables d’ajustement budgétaire »
• La stratégie budgétaire de l’État consiste à prioriser les interventions sur Mayotte et la Guyane, utilisant les Antilles comme variables d’ajustement.
• Entre 2018 et 2025, le budget de l’État a été quasiment gelé aux Antilles (+ 3 % pour la Guadeloupe et + 4 % pour la Martinique), tandis qu’il a augmenté de + 27 % pour la Réunion, + 45 % pour la Guyane et +68 % pour Mayotte. Et + 24 % pour l’ensemble des DOM.
• Cette situation conduit à un dépeuplement massif et un vieillissement accéléré de la population antillaise. Entre 2014 et les années suivantes, la Martinique a perdu 24 134 habitants et la Guadeloupe 11 900. Le dépeuplement des Antilles est du à d’autres facteurs, selon nous, que l’exode de la jeunesse qui est réel.
Le Projet de Loi de Finances (PLF) 2026 et l’Ultralibéralisme
• Le PLF 2026 est considéré comme un tournant marquant le déploiement d’une politique ultralibérale de baisse drastique des dépenses publiques.
• Bercy(ministère des Finances) s’attaque à deux piliers de la compétitivité des entreprises locales : les exonérations de charges sociales de la LODEOM (-345 M€) et la défiscalisation (-400 M€), avec 400 M€ d’économies supplémentaires envisagées.
Par exemple, l’évolution de l’action « Conditions de vie en outremer » (2025-2026), malgré des défis extrêmes (cyclones à Mayotte et à La Réunion, explosion démographique en Guyane et à Mayotte ou effondrement démographique aux Antilles), le budget de l’État consacré à cette action “Conditions de vie en outremer” sera réduit en 2026.
Le Projet de loi de finances pour 2026 (PLF 2026) prévoit les évolutions suivantes pour cette action:
• Mayotte : +70 M€, notamment pour faire face aux conséquences du cyclone Chido.
• Guyane : -72 M€. Le document indique que la Guyane semble dorénavant positionnée pour remplacer les Antilles comme variable d’ajustement.
• Guadeloupe, Martinique, La Réunion : Les évolutions sont proches de zéro.
Solutions et Discrimination Structurelle
• Des solutions existent, mais elles se heurtent à une discrimination structurelle.
• Il est suggéré de restituer aux DOM tout ou partie des recettes de la TVA nationale collectée sur place, car 600 M€ de recettes sur la consommation échappent aux Antilles.
Conclusion : L’auteur conclut en insistant sur la nécessité pour l’État de réajuster ses interventions avec un plan d’urgence pour les Antilles, au lieu d’alourdir leur fardeau, ce qui ne ferait qu’accentuer le décrochage et livrer ces territoires au chaos.
“Au contraire, il est suggéré que l’État y réajuste ses interventions, afin de faire face à leurs défis économiques, sociaux, sécuritaires, climatiques et démographiques croissants (…). La situation des DOM, n’est pas une fatalité, mais le virage ultralibéral entrepris par la France, pourrait bien leur être fatal.
Il est donc essentiel d’aborder cette question de manière frontale avec toutes les composantes de la société, au lieu de se limiter aux enjeux spécifiques des entreprises, comme c’est souvent le cas. Ou de la subordonner à la question statutaire, plus gratifiante portée par les élus, que l’État ne cesse d’esquiver en une manière de “danse pour tourner bourrique”, pendant que les Antilles, singulièrement la Martinique, sont en train de sombrer à la manière du Titanic”.
Le plan d’urgence, à notre avis, ne s’oppose pas au changement statutaire pour disposer localement des leviers d’action.
Michel Branchi
Mireille Pierre-Louis : Sa biographie

L’agroéconomiste Mireille Pierre-Louis
Spécialisée dans la gestion des programmes européens et ayant été responsable de la Cellule Europe de Guyane, je me consacre dorénavant aux finances locales de l’outremer dans le but de déconstruire les stéréotypes officiels qui sont fréquemment utilisés comme diagnostics. Mes travaux ont ainsi ouvert la voie à une première réforme de la DGF des communes d’outremer en 2020. Je lance régulièrement des alertes sur le désengagement budgétaire de l’Etat, disproportionné dans les DOM depuis la décentralisation sociale de 2003, d’où les révoltes sociales récurrentes. Je lance aussi des alertes concernant l’Octroi de mer qu’au motif de la « vie chère » Bercy voudrait recycler dans la TVA nationale pour renflouer ses caisses et priver les DOM d’une autonomie fiscale

