Les traditionnels vœux des personnalités sont l’occasion de faire le point sur la situation du pays et de tenter de tracer des perspectives. Il est clair que la crise sociale née de la contestation de la vie chère a marqué fortement l’année 2024. Les personnalités disent s’orienter vers des changements substantiels en 2025. En auront-elles la réelle volonté et surtout la capacité vu le contexte de blocage politique en France ? Cela veut dire que les Martiniquais devront se mobiliser eux-mêmes pour que le pays avance.
M.B
1/ Serge Letchimy, président du conseiller exécutif de la Collectivité territoriale de Martinique : “On travaille au cordeau pour éviter les déficits”

Serge Letchimy présente d’abord une sorte de bilan de 2024 : “Cette année a été une année, notamment le premier semestre, de conquête d’une réorganisation de la Collectivité Territoriale”. Organigramme, Centre territorial d’expérimentation biologique, Institut caribéen sur l’énergie, dispositif de lutte contre la chute démographique, etc.
Aveu sur la vie chère : Nous n’avons aucune compétence
Puis il aborde la question de la vie chère : “L’année 2024 a été une année difficile, notamment pendant cette 2ᵉ partie où nous devons répondre de manière déterminée, claire et obligatoire à un drame que nous vivons : c’est la cherté de la vie (…). Il y a un vrai problème de mal développement structurel de la Martinique qui conduit à faire de nous une société de consommation et de consommation, principalement de ce qui vient de l’extérieur”. Et il passe pour la première fois aux aveux. La CTM n’a aucune compétence dans ce domaine, fait-il mine de découvrir : “L’organisation institutionnelle de l’État aujourd’hui fait qu’on ne donne aucune compétence à la Collectivité Territoriale ni pour juguler les prix, ni pour faire contrôler les comptes des distributeurs, ni pour travailler sur les monopoles ou les oligopoles. Donc ça c’est extrêmement important. Et encore pire, nous n’avons pas les moyens et les compétences réglementaires, les moyens financiers, les moyens législatifs pour relancer la production locale tant par la maîtrise foncière, que les politiques de distribution, etc.”. Il faut ici rappeler que, depuis 2022, Serge Letchimy s’est livré à une intense démagogie sur la question de la vie chère : déclaration d’État d’urgence sur les prix le 12-13/04/2022 (Justice n°16 du 21/04/2022), demande de blocage des prix au Préfet Jean-Christophe Bouvier (Justice n° 50 du 14/12/2023), etc. Des auditions des principaux acteurs économiques avaient été organisées à grands renforts de communications médiatiques. Serge Letchimy avait promis de baisser les prix de 1 000 produits de première nécessité, etc. Et dire que dans le Protocole d’objectifs et de moyens du 16/10/2024 il a inclus des clauses faisant croire que la CTM peut en contrôler l’application. Vèglaj ! Alors aujourd’hui, il faut exiger enfin que l’État français prenne ses responsabilités en décrétant le contrôle des prix outre-mer.
Éviter les déficits par l’emprunt ?
Le président du conseil exécutif de la CTM annonce des chantiers en 2025 : liaison carrère-brasserie lorraine, rivière des pères au Prêcheur, plaine de Rivière-Salée, conservatoire de la musique, de l’art et de la culture au Lycée Schœlcher, etc. Il rappelle le poids financier des obligations de la CTM en matière sociale. Nouvel aveu : Serge Letchimy admet les difficultés financières de m’institution qu’il dirige : “Je m’excuse auprès de tous ceux qui n’ont pas encore leur réponse, c’est parce qu’on travaille au cordeau pour éviter les déficits pour pouvoir mieux organiser la performance de l’emprunt et de l’investissement”. Le budget primitif 2025 baisse et accroit l’emprunt pour faire face aux investissements indispensables.
Congrès : prêt quelle rupture ?
Enfin, il évoque la question institutionnelle en affirmant : “Je pense qu’il faut projeter ce pays et dire clairement à la France que nous voulons rester dans la République, c’est mon intention. Je n’ai pas d’autre attention. Mais par contre, nous revendiquons un développement économique qui soit à la hauteur et une prise en compte de nos différences dans le bassin maritime transfrontalier qu’est la Caraïbe et aussi dans le contexte géographique, géostratégique que nous connaissons aujourd’hui, que sont les Amériques”. S’agissant du prochain congrès, il borde d’avance la problématique : “Certains ont souhaité que ce soit un congrès de la rupture, je suis prêt. Quand on dit rupture. C’est n’est pas l’indépendance où une déclaration de quoi que ce soit d’autre, c’est exiger d’exister pour nous-mêmes, par nous-mêmes, dans une République beaucoup plus ouverte (…). Je suis Français, je suis européen. Oui, mais d’abord Martiniquais et Caribéen”. C’est pourquoi il a refusé l’autonomie limitée de l’article 74. Il conclut notamment : “Ce n’est pas l’argent seulement que nous devons conquérir, c’est la dignité et la capacité de rester soi-même (…)”. Fortes paroles qui doivent être suivies d’actes.
2/ Vœux du Préfet Jean-Christophe Bouvier : “L’État a tout fait, et continuera de tout faire”

Jean-Christophe Bouvier présente lui aussi un bilan 2024. Il constate : “2024 fut pour la Martinique une année de défis (…)”. Et d’énumérer : Chloredécone, ouragan Béryl, sargasses, vie chère, destructions des émeutes, etc. Et le représentant de l’État affirme : “Ces défis, nous avons voulu les surmonter de manière déterminée, avec l’ensemble des acteurs martiniquais, collectivités, entreprises, monde associatif, qui, de bonne volonté, ont voulu s’engager et se donner pour plus grand qu’eux. Je le réaffirme ici solennellement : l’État a tout fait, et continuera de tout faire, pour travailler dans un esprit de dialogue et de concertation, en associant étroitement l’ensemble des acteurs pour apporter des réponses globales, structurantes, respectueuses de tous”. Non, l’État n’a pas “tout fait” en matière de régulation des prix et de la concurrence. Et il est attendu fermement sur ses décisions en 2025. Pour 2025, il donne le conseil suivant : “C’est en fédérant les bonnes volontés que nous faisons advenir au monde une nouvelle lumière. Face aux incertitudes qui entourent le début de l’année 2025, je crois plus que jamais que cette démarche et ces efforts conjoints vers l’unité sont nécessaires. L’État y prendra, comme il s’y est toujours engagé, toute sa part ; mais, je le souligne, rien que sa part”. Le Préfet annonce pour 2025 quelques réalisations en matière de sécurité : deux radars de surveillance maritime, nouvelle brigade de gendarmerie nautique, moyens techniques au port de contrôles des trafics de stupéfiants, etc. Pour terminer, il en appelle à l’unité des Martiniquais : “Or si l’État doit garantir cette égalité des citoyens devant la loi, et leur protection partout sur le territoire, il ne peut rien si la société elle-même ne fait pas corps. Et pour faire corps, il faut qu’elle se sache liée par les liens de fraternité. Sans fraternité, point d’égalité ou de liberté. Sans fraternité, point de pacte social ou de destin partage. Il ne peut y avoir de projet politique sans collectif soudé par l’amour de ce qui le rassemble”. Il estime que le rassemblement est “nécessaire car cette île doit pouvoir compter sur toutes ses forces, sur tous ses talents, sur tous ses potentiels pour dessiner un chemin et voir loin, dans un monde de plus en plus tourmenté par les guerres et l’instabilité politique”. Que ce soit le représentant de l’État qui nous donne ces conseils de “voir loin” est tout à fait singulier de nos contradictions. Voir loin, c’est la responsabilité politique.
3/ Vœux de Lucien Saliber, président de l’Assemblée de Martinique : Solidarité profonde et engagement sincère en 2025
Son regard sur 2024 est sans complaisance : “Nous avons connu une période difficile, traumatisante où nombre de compatriotes se sont retrouvés dans des situations précaires ou meurtris dans leur chair. Les tensions sociales et le coût élevé de la vie continuent d’affecter durement nos vies quotidiennes. Notre relation avec l’État demeure toujours aussi compliquée”. Pour 2025, le président de l’Assemblée propose une méthode : “En 2025, notre objectif collectif est clair : bâtir une Martinique qui incarne la justice sociale et la résilience face aux défis contemporains. Cet idéal ne peut se réaliser sans une solidarité profonde et un engagement sincère de chacun d’entre nous. Nous avons, donc un rôle vital à jouer dans ce processus, et voici comment nous pouvons, sur quelques points, y contribuer, à la Collectivité Territoriale de Martinique, pour réussir”. Et de citer : le soutien à la production locale, valoriser notre culture et notre patrimoine, promouvoir l’implication des jeunes dans la société, etc. Propositions utiles, mais il reste à élaborer un vrai programme de changement.
Pour une nouvelle relation avec l’État

Lucien Saliber aborde à sa manière la question institutionnelle. Il énonce : “Enfin, je souhaite insister sur l’importance d’établir une nouvelle relation entre nous, citoyens, et l’État. Nous devons continuer à entretenir un dialogue constructif et responsable, base sur un transfert intelligent de responsabilités aux élus locaux”. Il demande : “Il est de notre devoir de conserver les avantages acquis de hautes luttes par nos aînés et d’avoir en même temps le pouvoir intelligent de modifier et d’adapter les lois et règlements à notre situation locale spécifique. Cette différenciation est une marque de richesse pour notre République”. Un petit pas enfin. Il est évident que la crise sociale a mis le Pays au pied du mur.
4/ L’archevêque David Macaire

Monseigneur Macaire a fait ses voeux au Morne-Rouge
En se référant à Aimé Césaire, c’est avec une métaphore liée à la montagne Pelée de Saint-Pierre, qu’il résume les évènements qui se sont déroulés sur le territoire entre septembre et décembre derniers. « Il y a en nous tous quelque chose de la montagne Pelée. Comme cette grande dame, nos âmes, nos familles, notre société sont capables d’entrer brusquement en éruption, de dévaster, de faire mal, de se faire peur (…)”, dit-il. Il poursuit sa métaphore : “Comme cette grande dame, nos âmes, nos familles, notre société sont capables d’entre brusquement en éruption, de dévaster, de faire mal, de se faire peur. Mais revenus au calme, ne sommes-nous pas aussi en mesure, terre fertile, terre de pluie, terre de soleil, de déployer une majesté paisible, reconnue patrimoine de l’humanité ? C’est nous”. Il conclut : “2024 a été troublée. Ensemble en 2025, soyons d’autant plus motivés pour aller plus loin dans la liberté, la justice, la vérité et l’unité. Sommes-nous prêts ? Y croyons-nous ? Dieu ne nous abandonnera pas”. A nous de ne pas nous abandonner d’abord.
Michel Branchi
Vœux Alfred Marie-Jeanne pour 2025

Vœux 2025
“Chers.es compatriotesL’année qui s’achève nous laisse un monde en turbulences inquiétantes : Aux États-Unis, ladite puissance mondiale, c’est le retour du Vulgaire et de l’Obscurantisme, En Afrique le Continent le plus riche, misère et sous-développement courent toujours.En Europe, les guerres sévissent encore, En France, une catastrophe naturelle à Mayotte met en exergue l’incurie de l’Etat dans la “gestion” de ses dernières colonies. Et j’ai mal pour mon Pays victime de cette même incurie, et qui se déchire,Alors que la Cause Martiniquaise doit rassembler. Et malheureusement, chez nous, en Martinique, la Collectivité majeure exsangue n’est plus garante de développement et d’impulsion, pa rété an koko sek ! Chers.es Compatriotes, L’heure n’est plus seulement aux discours, l’heure est à l’action pour que demain nous soyons à nouveau fiers d’être Martiniquais( es). II vous avait été proposé un référendum pour valider l’article 73, yonn di « ni shat dan sak », 7 ans après le chat a disparu, pourtant on a refusé l’article 74 qui permettait plus de responsabilités. Et pour 2025, J’appelle à un nouveau référendum d’auto-détermination. Car à l’heure des voeux pour 2025, je souhaite sincèrement que nous arrêtions de tergiverser, je souhaite que nous osions avancer vers plus de responsabilités et plus de dignité pour notre Martinique.
Pour 2025, Ayons l’audace de nous révolter sans autodestruction, Parions sur la rébellion sans division, en acceptant la contradiction, Sachons faire Peuple, pour le bien de notre Pays et être un exemple au Monde. Bon lanné 2025 ! Man la épi zot jik bout Car le militant de la Cause Martiniquaise ne se lasse pas de militer.”
Alfred MARIE-JEANNE Président
du Mouvement Indépendantiste Martiniquais Chef de File du Gran Sanblé Pou Matinik”