Grace au PS, le gouvernement Bayrou a échappé à la censure – Photo RTL
Le discours de politique générale de Bayrou jugé décevant malgré de nombreuses annonces.
Après la chute du gouvernement de Michel Barnier, le discours de politique générale du nouveau Premier ministre François Bayrou était très attendu. À en croire ses proches, il devrait permettre de trouver un compromis avec la gauche afin de libérer le gouvernement de l’emprise du Rassemblement national et de le sortir de l’instabilité. Mais à en croire la grande majorité des responsables des formations de gauche, son discours n’a pas apporté les réponses telles qu’espérées au terme des longues négociations qu’ils ont eues avec le Premier ministre. Pour tenter d’arracher au moins l’abstention des députés socialistes tiraillés entre le rejet de la motion déposée par la France insoumise et le vote en faveur de ses orientations, le Premier ministre avait adressé aux résidents des groupes socialistes à l’Assemblée nationale et au Sénat, juste avant le début de la séance, un message présentant les concessions qu’il était prêt à leur accorder.
Même si la motion de censure n’a recueilli que 131 voix, alors qu’il en fallait 289 pour faire tomber le gouvernement, Bayrou n’a pas atteint son objectif qui visait à ramener les socialistes dans son camp. Si ce scrutin a mis à rude épreuve l’unité du Nouveau Front populaire, il a surtout fragilisé le Parti socialiste dont le patron Olivier Faure n’est pas non plus parvenu à maintenir la cohésion de ses troupes même après avoir listé la série de concessions non négligeables obtenues après les négociations avec Bercy et Matignon.
À savoir : Abandon du gel des pensions de retraite en 2025, de l’augmentation de la taxe sur l’électricité, pas de déremboursement des consultations chez le médecin, création ou maintien de 12 000 postes de personnels soignants, abandon du passage de un à trois jours de carence dans la fonction publique, pas de suppression des 4 000 postes d’enseignants prévue. Bayrou a aussi annoncé l’augmentation du budget de l’Ondam pour améliorer le financement des hôpitaux, sa volonté de taxer les dividendes et les très hauts patrimoines. Autres concessions faites par Bayrou : l’allègement de l’effort financier demandé aux collectivités. Celui-ci devrait être ramené à 2,2 milliards d’euros au lieu des 5 milliards prévus par le gouvernement Barnier. Avec comme conséquence un déficit public de 5,4% au lieu des 5% prévus par son prédécesseur. Tandis que la prévision de croissance a été ramenée à 0,9% pour 2025.
Après avoir évoqué une possible adoption de la proportionnelle pour les scrutins législatifs ainsi que le retour au cumul des mandats, Bayrou a lancé l’idée d’une “banque de la démocratie” qui permettrait aux partis politiques de se financer auprès “d’organismes publics” afin de “ne plus dépendre du choix des banques privées”. Une idée qui n’est pas sans intérêt. Le Premier ministre a longuement abordé les problématiques de l’Éducation nationale à travers “Parcoursup [qui] est une question” ; regrettant qu’on veuille “sélectionner précocement, sans qu’aient muri l’esprit et les attentes…” Son intention est de “refonder notre Éducation nationale… Sans doute en inventant la période d’année d’articulation entre l’enseignement secondaire et supérieur”.
La réforme des retraites : Les négociations de tous les dangers arbitrées par le Medef !
S’agissant de l’épineux dossier des retraites, Bayrou après avoir annoncé qu’il aborderait la question “sans tabou”, s’est opposé au retrait de la loi votée en 2023. Et notamment à toute remise en cause du départ à 64 ans. Il a annoncé qu’il allait “demander à la Cour des comptes une mission flash de quelques semaines” afin d’établir un constat sur “des chiffres indiscutables” pour pouvoir négocier rapidement sur des bases communes. Mais comme le patronat, la droite et les macronistes s’opposent fermement à l’abaissement de l’âge de départ au motif que ce serait ruineux pour le pays. Par contre, Bayrou a annoncé une conférence sociale avec la participation des syndicats et du patronat pour reprendre les négociations concernant l’âge de départ. En cas d’accord, le texte qui devra respecter l’équilibre budgétaire serait transmis à l’Assemblée pour son inscription dans la loi. Une formule qui a soulevé la colère de toutes les formations de gauche qui voient à travers cette formule une possibilité de veto offerte au patronat et de revenir au texte initial. D’où une nouvelle menace de censure brandie par le patron des socialistes au cas où l’Exécutif aurait recours à cette solution. Selon le calendrier parlementaire, les négociations sur les retraites ont débuté dès le vendredi 17 janvier et l’échéance est prévue en mai. La situation particulière des retraites dans les DOM sera-t-elle enfin prise en compte, notamment par le comité d’orientation des retraites (COR) comme promis par l’ex-ministre Dussopt ?
Pour la gauche, “Le compte n’y est pas”
Pour Boris Vallaud, le président du groupe socialiste, pourtant le plus indulgent des orateurs de gauche, “le compte n’y est pas” ». Il déplore que l’option retenue sur les retraites, après plusieurs jours de discussions, donne toutes ses chances à la loi Borne de s’appliquer, tant le parcours imposé par Bayrou est semé d’embuches… Pour la présidente du groupe écologiste, Cyrielle Chatelain, “Rien ne rendra la réforme des retraites légitimes et nous continuerons à la combattre”. Pour tous les responsables de la gauche et les écologistes, les annonces de Bayrou sont insuffisantes. Coordinateur national de la France insoumise, Manuel Bompard estime “qu’il n’y aura pas de retour à la stabilité en dehors de votre chute, du départ du président de la République et un retour aux urnes pour sortir le pays de l’impasse dans laquelle vous l’avez plongé”.
De son côté, Elsa Faucillon, s’exprimant au nom des communistes et du groupe GDR, signataire de la motion de censure, a lancé au Premier ministre : “Les communistes, sans grandes illusions, sont venus vous livrer leurs propositions. Vous n’en avez rien fait”. Elle lui a reproché, comme le prétend la Macronie, de ne pas chercher “la stabilité, mais juste la préservation des intérêts des plus riches” avec un “budget qui ne touche pas au capital”.
L’Outre-mer au second plan des préoccupations de Bayrou
Dans son discours de politique générale, François Bayrou s’est surtout intéressé à la situation à Mayotte et à la Nouvelle-Calédonie. Sans toutefois apporter des réponses précises aux difficultés auxquelles ces territoires sont confrontés. Ainsi, pour le député Giovany William, “On ne peut pas être rassuré après le discours de politique générale du Premier ministre qui parla peu de nos territoires à part les plans qui sont déjà en cours concernant la Nouvelle-Calédonie et Mayotte. Il a parlé de revenir sur le droit du sol, notamment à Mayotte, mais n’a pas parlé de la vie chère, de nos entreprises, de cette population qui attend beaucoup”. Quant au Guadeloupéen Olivier Serva, même s’il se dit globalement satisfait des annonces sur les retraites et de la promotion du ministère des Outre-mer au rang de ministère d’État – comme si cela suffisait à la résolution de leurs problèmes – il s’est dit déçu par son manque de vision pour ces territoires. Même déception chez Max Mathiasin du LIOT pour qui ce discours reprend nombre de choses qui pourraient figurer dans n’importe quel discours de politique générale, à part le fait d’avoir abordé les questions de l’insécurité, de l’émigration et de la proportionnelle. Pour lui, le CIOM (Comité Interministériel des outre-mer) est un serpent de mer qu’on nous ressasse à chaque fois, mais qu’on ne voit pas.
Mais c’est le député guyanais Jean-Victor Castor du groupe GDR qui a été le plus incisif. Il dénonce le fait que Bayrou ait fait l’impasse sur la question de l’émancipation politique de chacun des territoires, sur ceux qui souhaitent accéder à un statut d’autonomie et dire s’il envisage de s’y engager, en donnant, comme pour la Corse, un calendrier. La réalité pour le député guyanais, c’est que Bayrou n’a pas de réponse à ces questions-là pour les peuples sous tutelle. Et d’annoncer, comme la quasi-totalité de ses collègues d’Outre-mer, son choix de sanctionner le gouvernement.
La question posée est de savoir si le gouvernement Bayrou pourra passer le cap du vote du budget 2025 et de la censure.
GE, avec l‘Huma