Un cessez-le-feu est-il envisageable entre V.Poutine et Zelensky ?
L’Humanité du 20 décembre 2024 Par Francis Wurtz, député honoraire du parlement européen
Les négociations de paix en Ukraine “commenceront peut-être en hiver cette année” ! C’est le premier ministre polonais, Donald Tusk, le plus proche allié de Kiev – et futur président du Conseil européen durant le premier semestre 2025 – qui l’a annoncé le 10 décembre dernier. Poutine, de son côté, affirme que “si un souhait de négocier émerge, nous ne refuserons pas”. C’est encourageant, même s’il y a encore loin de la coupe aux lèvres ! Ainsi, le président Zelensky a accompagné son accord pour un cessez-le-feu de l’exigence de voir “placer sous le parapluie de l’Otan le territoire ukrainien que nous contrôlons”. Or, de son côté, Vladimir Poutine conditionne d’éventuels pourparlers au fait que ceux-ci se fondent “sur les documents sur lesquels on s’était entendus à Istanbul” au printemps 2022. De quel compromis russo-ukrainien s’agit-il ? Selon le quotidien allemand “Die Welt”, il s’agirait d’un projet d’accord établi le 15 avril 2022 entre les deux belligérants, prévoyant, à l’époque, notamment… “une neutralité permanente” de l’Ukraine (1).
L’autre enjeu crucial d’une telle négociation est naturellement le statut futur des territoires occupés par l’armée russe : le Donbass, voire la Crimée, reviendront-ils sous souveraineté ukrainienne ? Le réalisme de cette perspective divise désormais le “camp occidental”. Si Zelensky dit, aujourd’hui, penser pouvoir recouvrer la souveraineté ukrainienne de tous ces territoires “par la voie diplomatique”, ses alliés semblent beaucoup plus dubitatifs. “On peut espérer que Trump refusera de se ranger aux exigences de Poutine (…). Mais il faut se confronter au réel”, estime, par exemple, un collectif d’anciens diplomates français (2). Sous-entendu : l’Ukraine ne récupérera pas les territoires conquis par Moscou.
Une telle issue n’était pas fatale ! Il faut le répéter pour contribuer à tirer les bonnes leçons de l’épouvantable tragédie que représente cette guerre : une solution politique conforme au droit international était possible il y a plus de deux ans. Et aurait épargné des dizaines de milliers de victimes. Le chef d’état-major général des armées des États-Unis de l’époque, le général Mark Milley en personne, déclarait le 16 novembre 2022 : “La probabilité d’une victoire militaire ukrainienne, consistant à chasser les Russes de toute l’Ukraine (…) n’est pas élevée.” En revanche, “Il peut y avoir une solution politique, où, politiquement, les Russes se retirent : c’est possible !” (3). Le plus haut gradé des militaires américains prenait ainsi le contrepied du chef du Pentagone, le général Austin, dur parmi les durs, qui, quelques mois auparavant, lors d’une visite éclair à Kiev, avait défendu le principe de l’escalade militaire : “Les Ukrainiens peuvent gagner s’ils ont les bons équipements et le bon soutien”, avait-il lancé, ajoutant : “Nous voulons voir la Russie affaiblie.” (4). Joe Biden optera pour la ligne dure, les dirigeants européens également, certains même avec zèle !
Ainsi a-t-on appris que, dès le 15 avril 2022, après les premiers pourparlers russo-ukrainiens évoqués plus haut, qui visaient précisément à avancer sur la voie d’une solution politique, l’aile dure des dirigeants européens s’était mise en branle. Aux dires de Poutine, le premier ministre britannique, Boris Johnson, se précipita à Kiev pour pousser l’exécutif ukrainien à refuser cette voie, au profit de la recherche d’une victoire militaire. Johnson a démenti cet épisode embarrassant, mais… le chef de la délégation ukrainienne, Davyd Arakhamia, l’a confirmé (5). Même si cela ne change rien à la responsabilité russe dans l’agression contre l’Ukraine, il faudra, le moment venu, approfondir la réflexion sur tous les enchaînements qui ont marqué et marquent encore le désastre de cette guerre. Dans l’immédiat, rien ne doit compromettre le cessez-le-feu espéré.
- (1) “Die Welt” (mai 2024)
- (2) Tribune “Guerre en Ukraine : l’affrontement sanglant doit prendre fin” (“le Monde”, 9 décembre 2024)
- (3) “Ouest-France”, 20 novembre 2022
- (4) “L’Orient-le Jour”, 25 avril 2022
- (5) Conférence de presse de Davyd Arakhamia, novembre 2023
Drones ukrainiens, tir de défense antiaérienne russe : Le mystère se lève autour du crash de l’Azerbaïdjan Airlines
Alors que les médias occidentaux, Kiev et Washington en tête, se déchaînent pour accuser la Russie de ce crash, nous croyons utile de publier l’article ci-après de l’Humanité plus équilibré et prudent. “J”
Le vol de l’Azerbaïdjan Airlines, reliant Grozny à Bakou s’est écrasé mercredi 25 décembre au Kazakhstan avec 67 personnes à bord. L’hypothèse autour d’un tir de défense antiaérienne russe en pleine attaque de drones ukrainiens semble se renforcer.
Les mystères demeurent autour de l’accident de l’avion d’Azerbaijan Airlines, qui a fait 38 morts le jour de Noël. Ce vol devait relier la capitale azerbaïdjanaise, Bakou, à la ville russe de Grozny, en Tchétchénie. Mais l’appareil Embraer 190 et les 67 personnes à bord s’est écrasé dans un champ près d’Aktau, au Kazakhstan. Un écart considérable de plusieurs centaines de kilomètres par rapport à l’itinéraire prévu.
Une interférence externe pour la compagnie
Les premiers éléments de l’enquête de la compagnie aérienne azerbaïdjanaise, vendredi 27 décembre indique que “les résultats préliminaires sur le crash de l’Embraer 190” font état “d’une interférence externe, physique et technique”. L’Azerbaijan Airlines a également annoncé sur Telegram la suspension des vols vers plusieurs villes russes.
“Une enquête est en cours pour établir si c’était une frappe de la défense antiaérienne russe ou une autre cause”, a déclaré à l’AFP le député azerbaïdjanais Rassim Moussabeko et appelé la Russie à s’excuser si le système de défense anti-aérien était impliqué.
Si 29 personnes ont survécu, les spéculations autour du crash se multiplient. Les services de renseignements américains et ukrainiens pointent la Russie et ses défenses anti-aériennes.
Un site d’information azerbaïdjanais, Caliber, a également repris cette hypothèse en affirmant que l’avion aurait été la cible de tirs d’un système de défense aérienne russe Pantsir-S.
Premières explications russes

L’impact aurait eu lieu alors que l’appareil s’approchait de Grozny après une attaque de drones ukrainiens. Le site s’interroge sur deux choses : “Pourquoi les autorités russes n’ont pas fermé l’aéroport le mercredi, et pourquoi l’avion n’a pas effectué un atterrissage d’urgence à Grozny ou dans d’autres aéroports russes situés à proximité ?” Côté russe, les premières explications ont été données ce vendredi par l’agence de l’aviation civile Rosaviatsia qui évoque des bombardements de la part de drones ukrainiens sur les républiques russes de Tchétchénie et d’Ossétie du Nord. “À ce moment-là, des drones militaires menaient des attaques terroristes contre des infrastructures civiles dans les villes de Grozny et Vladikavkaz”, a indiqué sur Telegram le dirigeant de Rosaviatsia, Dmitri Iadrov.
L’autre information qui a également été fournie vient d’un contexte météorologique difficile. Selon Dmitri Iadrov, la situation était compliquée avec la présence d’un “brouillard épais” qui empêchait toute visibilité “à une altitude de 500 mètres”. “Le commandant de bord a fait deux tentatives d’atterrissage à Grozny, qui ont échoué. D’autres aéroports lui sont proposés. Il décide de se rendre à l’aéroport d’Aktaou”, au Kazakhstan, a expliqué le dirigeant de l’agence Rosaviatsia.
La Tchétchénie qui se situe dans le sud du pays n’est pas épargnée par la guerre en Ukraine. La région qui se trouve dans le Caucase russe et à proximité de la mer Noire subit aussi des attaques ukrainiennes. Dans cette zone, l’armée a recours à la technologie de brouillage pour se défendre contre les drones.
Des éclats sur l’épave
Plusieurs médias russes estiment que l’avion aurait pu être abattu par les défenses aériennes, qui l’auraient pris pour un drone ukrainien. Ainsi, la chaîne Telegram Fighterbomber, qui serait dirigée par Ilya Toumanov, un capitaine de l’armée russe, a diffusé un clip montrant des trous dans l’épave de l’avion concluant que ces dommages seraient causés par un bombardement ou une explosion avec des éclats d’obus.
Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, avait déclaré jeudi que l’enquête sur les causes de l’accident était en cours, ajoutant qu’il serait “erroné” de spéculer avant la conclusion de l’enquête.
Le président du Sénat du Kazakhstan a également souligné que la cause restait inconnue. “Aucun de ces pays – ni l’Azerbaïdjan, ni la Russie, ni le Kazakhstan – ne souhaite cacher des informations. Toutes les informations seront mises à la disposition du public”, a déclaré Ashimbayev Maulen.
Vadim Kamenka
L’Humanité 27 décembre 2024