Analyse : Un Budget primitif 2025 de la CTM en recul et dans l’incertitude

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Le Gran Sanblé a voté contre le budget

Le budget primitif 2025 a été présenté à la plénière CTM du 19/12/2024. Quelques observations.
C’est un budget d’une situation de crise tant en France qu’en Martinique qu’il faut prendre avec des pincettes pour les évaluations de recettes. Les dotations de l’État sont en pointillé vu l’absence du budget à ce jour excepté la reconduction du budget à ça jour excepté la reconduction du budget 2024 par une « Loi Spéciale ».
En Martinique on ignore l’impact économique et social réel de la crise sociale de ladite « vie cher ». L’IEDOM indique que le ralentissement de l’économie se poursuit.
Serge Letchimy prévient en introduction de l’exposé des motifs du budget primitif 2025: « La Martinique traverse une période où l’été au financier se resserre. Les recettes stagnent, les dotations de l’État ne cessent de diminuer, et les charges sociales explosent sous le fait des décisions unilatérales de l’État et des besoins sociaux croisants de notre population. A cela, s’ajoute un climat d’incertitude politique marquée par la censure du gouvernement et des débats houleux autour du budget national, alimentant la crainte d’un éventuel blocage institutionnel ».
Le président du conseil exécutif prétend que le budget 2025 sera un climat d’incertitude « budget de résistance ».

Dans l’introduction l’exposé des motifs mentionne :

  • Côté dépense il est indiqué : « le Dynamisme des dépenses de fonctionnement. La Collectivité subira, en année pleine, l’impact de mesures édictées par le gouvernement (augmentation des cotisations CNRACL, revalorisation des allocations RSA, …..) insuffisamment compensées. Le décalage structurel croissant entre les engagements transférés par l’Etat à la CTM et les compensations financières allouées continuera de se creuser et affectera nos marges de manœuvre. Il repose en effet sur l’évolution démographique structurelle encore défavorable en 2024 qui fait de la Martinique la Région qui compte le plus de personnes âgées, statut qu’elle détient depuis 2022”.
  • Côté recettes : “Des ressources en retrait soumises aux fluctuations économiques, sans pouvoir de taux. La suppression en 2021 du produit de la part départementale de la Taxe Foncière sur les Propriétés Bâties (TFPB) et en 2023 de la Contribution sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE), rem- placés par des fractions de TVA, expose fortement les recettes de la CTM aux fluctuations économiques, sans aucune maîtrise (…)”. Il est relevé : “un volume important de recettes est soit invariable (les dotations de l’Etat sont figées), voire en baisse puisque lié à la conjoncture nationale (TVA, Fonds de péréquation des DMTO), soit fluctue au gré de la croissance et de la consommation au niveau local (Carburant, octroi de mer, transports des passagers,..…)”. Le budget 2025 s’élève donc à 1 420 152 189,00 € contre 1 458 032,00 € en 2024”. Soit – 38 M€ et – 2,6 %. En 2024 le BP était déjà en recul de 300 M€, soit – 14,8 % par rapport au BP 2023 de 1 758 millions d’euros.

Un pouvoir fiscal limité


Ce graphique présente la part des revenus propres de la CTM pour 2025 : 32.25%

Il faut rappeler que la CTM ne dispose que d’un pouvoir fiscal limité : la CTM ne dispose d’un pouvoir d’assiette et/ou de taux que pour les seules ressources suivantes :

  • La taxe départementale de publicité foncière et droit départemental d’enregistrement ;
  • La taxe sur les certificats d’immatriculation des véhicules,
  • La taxe additionnelle à la taxe de séjour ;
  • La taxe sur les carburants ;
  • L’octroi de mer régional ;
  • La taxe sur les entreprises de transport aériens et maritimes;
  • La taxe sur les tabacs et sur les rhums.

Cette fiscalité représente 275,3 M€ au projet de BP 2025. Soit seulement 32,34 % des ressources. Nous ne cessons de souligner depuis 20216 que la CTM n’a pas l’autonomie budgétaire (voir graphique).

Des investissements en recul de 6,1 %

La majorité lechtymiste promet quand même un niveau important d’investissements : “Le niveau des programmes d’investissement hors dettes s’établit ainsi à 349,5 M€. De grands projets, notamment les travaux d’extension du TCSP, les programmes en matière d’eau potable et assainissement ou encore le programme de spatialisation des services pour être au plus près de la population seront poursuivis”. Ce sont les promesses. Selon les tableaux présentés l’investissement projeté serait de 430,7 M€ en 2025 contre 458,7 M€ au BP 2024, soit -6,1 %. En même temps des économies sont promises : “Les efforts de gestion inscrits au projet de budget (réduction des charges locatives de la Collectivité, limitation des frais de gardiennage, …) contribueront à la préservation de l’épargne brute et de la capacité d’investissement par un effet de compensation de l’augmentation des dépenses de 7 fonctionnement obligatoires (action sociale, personnel, frais financiers)”. A voir.

Un emprunt en hausse de 10 % qui fait monter la dette

Cependant l’endettement se poursuit : “projet de Budget primitif 2025 propose une inscription de 165 M€ au titre de l’emprunt”. L’emprunt était de 150 M€ en 2024. L’augmentation est donc 15 M€, soit de + 10 % d’une année à l’autre. La dette de la CTM au 31/12/2024 sera de 956 M€ contre 922 M€ au 31/12/2023 (+ 3,7%). Par ailleurs la CTM a obtenu un concours de l’Agence Fran- çaise de Développement (AFD) de 150 M€ sur 2024/2027. La fuite en avant dans l’endettement. En outre il est annoncé que des ressources externes de l’Etat et de l’Union européenne seront sollicitées. A noter que “les fonds Européens inscrits en 2025 représentent ainsi un montant global de 118,7 M€”.

Le budget principal est de 1 420 152 189 € et se décompose en:

Recettes

  • 337 793 759 € pour l’investissement (BP 2024 : 368 160 000,00€) dont 165 000 000 € d’emprunt : – 30,4 M€ et – 8,2%. Hors emprunt qui a augmenté de 15 M€ : 172 793 759 € contre 218 160 000 € au BP 2024, soit – 45 366 241€ et – 21%.
  • 1 082 358 430 € pour le fonctionnement (BP 2024 : 1 089 872 000,00 €) : – 7,5 M€ et – 0,7 %

Dépenses

  • 430 765 807 € pour l’investissement contre au 458 792 000,00€ au BP 2024 : – 28 M€ et – 6,1 %
  • 989 386 382 € pour le fonctionnement contre 999 240 000,00€ au BP 2024 : – 9,9 M€ et – 1 %.

Le projet de budget primitif général 2025 s’établit à 1 468 634 799,00 € avec les 3 budgets annexes.

Effet du ralentissement de l’économie

Observons l’évolution des taxes locales qui dépendent de l’activité en Martinique.

  • La Taxe Spéciale sur la Consommation sur les carbu disponible après imputations des détaxes fait l’objet d’un prélèvement de 10 % destiné au financement d’opérations d’in d’intérêt territorial portés par la Collectivité Territoriale de Martinique ; et d’un prélèvement de 7% versé mensuellement à Martinique Transport à titre de contribution au financement des missions de I’AOTU (Autorité Organisatrice du Transport Unique). Le solde restant est réparti entre les communes et la Collectivité Territoriale de Martinique du Transport Unique). Le solde restant est réparti entre les communes et la Collectivité Territoriale de Martinique.

Le produit de la TSC est estimé à 87 700 000,00 € pour 2025 contre 91 500 000,00 € au BP 2024. Soit – 4,3%. Le produit de la taxe sur les carburants devrait progressivement décliner dans les années à venir, au même rythme que le remplacement des véhicules à moteurs thermiques par les nouvelles généraux d’automobiles hybrides ou électriques.

  • La Tax La Taxe sur les certificats

d’immatriculation et permis de conduire : 7,5 M€ contre 7,7 M€ en 2024 (- 2,6 %).

  • La Taxe Spéciale sur les Conventions d’Assurance (TSCA) : 41 300 000,00 € au lieu de 38 900 0 00,00€ en 2024 (+6,1%).
  • Octroi de mer sur les Conventions d’Assurance (taxe additionnelle) : 110 000 000,00€ en 2025 au lieu de 101 000 000,00 € en 2024, soit + 9 M€ (+9 %). Cela grâce à une augmentation des taux d’octroi de mer régional (OMR).

Deux propositions complémentaires viennent augmenter ce potentiel de recettes pour 2025 :

  • La modification des taux d’OMR réduit sur les opérations d’importation et les livraisons. En portant ce taux à 2,5% sur l’ensemble des importations et des livraisons, une augmentation de 4 120 804€ de la recette sur la base des éléments de 2023 peut être atteinte.
  • La modification des taux d’OMR applicable aux exonérations sectorielles à l’importation. A l’image de la Guadeloupe et de la Guyane, la Collectivité de Martinique pourrait décider de ne pas exonérer la part d’OMR et d’appliquer le taux normal de 2,5%. Une augmentation de la recette d’octroi régional de 3 222 497€ peut être escomptée. Ces 2 propositions combinées induiraient une augmentation potentielle de la recette d’octroi de mer régional de 7 343 301 € (4 120 804+ 3 222 497).
  • La Taxe sur les entreprises de transport aérien et maritime : 3 M€ contre 2,9 M€ en 2024.
  • La Taxe sur les rhums diminue à 1,9 M€ contre 2,3 M€ (- 17,4 %). Baisse de la production ?
  • Taxe sur l’électricité 2,5 M€ contre 2,9 M€ (-13,7 %).
  • La Taxe sur les tabacs : 35 M€ contre 37,6 M€ (-6,9 %).
  • Le produit des DMTO (droits de mutation à titre onéreux) qui dépend du marché de l’immobilier est estimé à 28,7 M€ contre33,5 M€ en 2024 (-14,3 %). Marasme de l’immobilier ?
  • La Taxe d’aménagement (CAUE) : 1,5 M€ contre 2 M€ (-33,3 %). Un recul qui interroge. Notons que la plupart des taxes locales sont en recul en 2025.

Recettes non fiscales : 302,5 M€ contre 307,0 M€ A relever les deux principales qui viennent de l’Etat :

  • La dotation globale de fonctionnement : La Dotation Globale de Fonctionnement pour la Collectivité Territoriale de Martinique devrait représenter 143 959 000,00 € en 2025 contre 144 355 000,00€ en 2024 . Pour mémoire, la loi de finances pour 2017 a transformé la part régionale de Dotation Globale de Fonctionnement en une fraction de TVA.
  • La dotation générale de décentralisation 44,2 M€ contre 44,245 M€ en 2024. Il convient de garder à l’esprit que les dépenses obligatoires, c’est-à-dire les dépenses décidées par la loi (dépenses de personnel, dépenses d’entretien des bâtiments d’enseignement, voirie, dépenses relatives aux services publics d’enseignement, charges financières, …), ainsi que les dépenses correspondant à des engagements déjà pris par la collectivité, représentent ainsi plus de 95 % des dépenses totales de fonctionnement du budget 2025.

La CTM allouera en 2025, une enveloppe budgétaire de 413,3 M€ au secteur social, dont 333 798 000 € au seul financement des trois Allocations Individuelles de Solidarités (AIS), dont la charge lui été transférée par l’État : l’Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA), le Revenu de Solidarité Active (RSA) et la Prestation de Compensation du Handicap (PCH). Il s’agit du poste de dépenses le plus élevé de la Collectivité.
La progression régulière des dépenses d’allocations indivduelles de solidarité (RSA, APA, PCH) résulte de la persistance sur le territoire d’une demande sociale forte des populations les plus exposées.
Le reste à charge pour 2025 au titre des AIS est estimé à 106,2 M€, réduisant fortement la capacité d’autofinancement de la Collectivité.

Il faut relever la baisse des dépenses de fonctionnement pour les secteurs suivants :

  • Enseignement-formation professionnelle et apprentis sage de (- 4 M€, soit de 6,4 %) ;
  • Culture-vie sociale-jeunesse-sports et loisirs ;
  • Santé-action sociale
  • Aménagement du territoire et habitat ;
  • Action économique ;
  • Transports (- 12,5 M€ et – 11,9 %)


La capacité d’autofinancement de la Collectivité est en diminution de plus d’un quart

Il est dit que “les efforts de limitation de la progression des dé- penses de fonctionnement devraient permettre de dégager une épargne brute (recettes – dépenses de fonctionnement) de 92,9 M€ en 2025”. Or les charges financières(intérêts) sont estimées à 31,0 M€. L’amortissement contractuel de la dette(capital de la dette) s’établit à 81,2 M€ pour 2025.
L’épargne nette (épargne brute -remboursement du capital de la dette) ressortirait ainsi, compte tenu de ces prévisions à 11,8 M€. Elle était annoncée à 15,87 M€ en 2024 et 33,7 M€ en 2023. La capacité d’autofinancement recule donc de 25,6 %. Cependant cette épargne en baisse est censée contribuer au financement des dépenses du programme d’investissement de 2025.

Le poids de la dette s’accroit encore

Le service de la dette est donc de 81,2 M€ + 31,0 M€ = 112,2 M€ contre 105,9 M€ en 2024(+5,9 %), 94,5 M€ en 2023, 77,1 M€ en 2022. A titre de comparaison :

  • L’action économique totale c’est 48,7 M€ (investissement et fonctionnement) ;
  • L’aménagement du territoire et habitat, c’est au total 28,9 M€ (Inv + Fonct).
    Le coût de la dette devient de plus en plus élevé. On ne peut pas emprunter indéfiniment.

Les engagements financiers de la CTM (Autorisations de programme et d’engagement) se montent à 4,99 Milliards d’euros d’engagements. Il a été proposé la création de 2 autorisations de programme (AP) :

  • Autorisation de Programme “ Extension Ouest du TCSP” de 12 336 450, 00 €.
  • Autorisation de Programme “Renforcement parasismique du lycée F FANON- Trinité” de 23 600 000€. On note que l’essentiel des crédits de paiement sont renvoyés en 2027 pour le TCSP (8,4 M€ sur 12,3 M€).

Conclusion : Un budget 2025 en recul, un endettement qui augmente, l’investissement en recul, un service de la dette plus lourd, une capacité d’autofinancement en baisse, des secteurs sacrifiés tels l’enseignement-formation professionnelle apprentissage. 2025 sera une année difficile.

Michel Branchi

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