Lucien Saliber malmené dans l’émission “Lundi Politique”

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Lundi 8 janvier 2024, Radio Caraïbes International (RCI) Martinique, a invité le président de l’Assemblée de Marti- nique Lucien Saliber, à l’émission hebdomadaire “Lundi Politique”. Présentée par les journalistes Cédric Catan et Philippe Diser, cette émission “passe sur le gril les élus martiniquais”, quelque soient leurs fonctions.

Employé de banque à la retraite, Lucien Saliber a été promu par le président du conseil exécutif (PCE) Serge Letchimy au poste de président de l’Assemblée de Martinique (PA) lors de l’élection territoriale de 2021. Il a dû quitter sa fonction de maire du Morne-Vert le 14 juillet 2021 pour occuper cette nouvelle responsabilité.

2 ans et demi de présidence : Pour quel bilan social ?

Dès le début de l’émission, Cédric Catan met Lucien Saliber face à ses responsabilités : “Après 2 ans et demi, les Marti- niquais ont le sentiment que rien n’a bougé dans leur quo- tidien, voire que tout s’est aggravé. Quelle réponse pouvez-vous apporter ?”

Lucien Saliber ne répond pas à la question du journaliste, mais dévie sur les décisions symboliques de la majorité comme le drapeau ou l’hymne martiniquais : “J’estime que nous avons fait deux ans de pur labeur avec des résultats […] La Martinique

 a eu le label de l’UNESCO, défendu par le PCE à Riyad en Ara- bie Saoudite, les pitons du Nord sont reconnus dans le monde entier […]”.

Heureusement, Philipp Diser recentre le débat sur les vraies préoccupations des Martiniquais : “L’aveu que vous faites fi- nalement à travers toutes les réalisations que vous citez ne concernent pas le quotidien des Martiniquais. Doit-on considérer qu’effectivement sur cette question cruciale du quotidien des martiniquais, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent ?”

Lucien Saliber tente de mettre en avant les actions sociales de sa majorité et cite notamment le revenu émancipation jeune sans donner le nombre de jeunes ayant bénéficié du dispositif. “Je sais qu’il n’y en a pas mal qui ont bénéficié de cela”, avance-t-il. Il cite le dispositif Solidarité Energie, “55 000 fa- milles ont bénéficiés de 330€”, la mise en place de la bourse sociale, médicale. “S’il s’agit d’actions dans le public, nous avons fait des choses tangibles”, ajoute Lucien Saliber.

Tout faire en même temps ?

Officialisation du créole comme langue martiniquais, Unesco, la très contestée élection pour la création du drapeau martini- quais, de l’hymne, etc, la majorité excelle dans les effets d’an- nonces, dans la communication. Mais, comme le montre Saliber, la majorité actuelle a un manque de clarté dans ses priorités. Une réalité que nous expliquons depuis juillet 2021 dans le journal Justice et qui enfin interpelle les journalistes. Face à leurs doutes, Lucien Saliber prétend qu’il n’y a pas de hiérarchie dans les dossiers : “Il faut mener tous les combats en même temps, il s’agit d’être organisé et mener plusieurs com- bats (économique, institutionnel…) ; tous sont nécessaires pour faire avancer ce pays ”, affirme-t-il. Selon Saliber, il faut moti- ver les gens grâce aux éléments identitaires “nous estimons qu’il faut faire peuple” […] “la tenue du congrès des élus c’était pour montrer à la population que pour changer les choses, il faut que les élus est un minimum de pouvoir”. Comme on ne peut pas tout faire il convient de hiérarchiser et planifier les ac- tions, sinon c’est du saupoudrage clientéliste.


“La baisse de l’octroi de mer n’a eu presque aucun impact sur les prix”

Ancien maire, Lucien Saliber connaît l’impact de l’octroi de mer sur les finances d’une municipalité. L’octroi de mer est le bouc émissaire parfait pour les grands distributeurs et les gros pa- trons afin de justifier la “vie chère”. Cette taxe qui va directe- ment dans les caisses des collectivités a été supprimée sur de nombreux produits destinés à la population. “Nous avons dimi- nué pour faire voir aux gens que l’octroi de mer n’a aucun impact sur les prix. […] A chaque plénière, Arnaud René-Corail présen- tait des diminutions au taux 0% de l’octroi de mer, sur un certain nombre de produits essentiels. […] Moi en tant qu’ancien maire et tous les maires de la place se disaient que c’est important pour le développement du pays, mais attention ça touche aussi aux fi- nances des mairies et des collectivités locales dans ce contexte éco- nomique. […] l’octroi de mer représente quelquefois plus de 40% des recettes des municipalités”, rappelle le verdimornais.

Si la réduction du taux d’octroi de mer sur certains produits n’a rien changé fondamentalement, la population se demande tou- jours qu’elles ont été les actions concernant l’amélioration du pouvoir d’achat menées par la collectivité ?

La réalité c’est que la question des prix dépend au principal des décisions de l’Etat. La répercussion des baisses d’octroi de mer au consommateur doivent être contrôlées par les services de l’Etat.

La CTM a-t-elle vraiment les moyens ?

D’un côté, la CTM communique sur ses actions et ses grands projets. De l’autre, certains assujettis se plaignent de ne pas être payés des prestations effectuées pour la CTM, d’autres des retards de paiements des aides aux personnes âgées et handicapées ou que les fonds européens n’ont pas été totale- ment utilisés… Difficile de se faire une idée concrète sur les fi- nances de la collectivité. Lors de la plénière des 26 et 27 octobre 2023, le principal dossier concernait la présentation du compte administratif de l’exercice 2022. (Justice n°44 2023). L’opposition dénonçait un manque de transparence car un ex- cédent de trésorerie de plus 40 millions d’euros a été présenté par la majorité.

Cédric Catan : “Est-ce que la CTM a les moyens aujourd’hui de mener toutes ces actions de front ? Il y a beaucoup d’ac- tions, beaucoup de projets mais finalement est ce que la CTM est assez organisée, est-ce que structurellement la collectivité est assez organisée pour mener ces combats ? Sans surprise, lorsque les questions de budget sont posées à un membre de la nouvelle majorité, il va automatiquement uti- liser l’argument d’une prétendue mauvaise gestion entre 2015 et 2021, sous Alfred Marie Jeanne : “Lorsque nous sommes ar-

 rivés aux responsabilités, il y avait beaucoup de choses à re- voir. La collectivité est née d’une fusion entre le conseil régio- nal et général. Ce sont deux mentalités différentes. En 2015-2021, les gens (ndlr : l’ensemble des élus au pouvoir) ont eu d’énormes difficultés à faire vivre la CTM […] Nous avons vu des factures de 2018, qui n’étaient toujours pas réglées.” Selon l’actuelle majorité CTM, pour remédier à ces retards de paiement un dit “plan Marshall” a été mis en place pour le paie- ment des factures en stock suite à la cyberattaque. “228,3 mil- lions d’euros ont été mandatés par la Collectivité Territoriale de Martinique en deux mois à travers plus de 11 000 factures et sub- ventions. 124,8 millions ont été mandatés en octobre et 103,5 mil- lions en novembre. Au total, au cours des deux derniers mois, en comptabilisant les flux, se sont plus de 375 millions d’euros qui ont été mandatés”, claironne le communiqué de la CTM du 5 dé- cembre 2023.

Un déficit trouvé de 220 millions d’euros ?

Philippe Diser remarque l’incohérence et questionne Saliber : “Pourquoi avoir attendu 2 ans et une cyberattaque pour mettre en place ce Plan Marshall de paiement aux entre- prises de ce qui était dû ? Vous l’avez dit vous-même, que des factures datent de 2018”. Agacé, Saliber tente de parer le coup : “Vous pensez que les choses se décident du jour au lendemain comme ça ? Il a fallu savoir déjà dans quelle situa- tion budgétaire on était. Lorsque nous sommes arrivés, c’est 220 millions d’euros de trou budgétaire. Quand nous avons fait notre budget et nous avons vu où nous en étions, il a fallu à ce moment mettre en place un plan tant pour réduire ce déficit que pour continuer l’activité de la CTM. C’est vrai on travaille avec les éléments de bord que nous avons. Petit à petit on se rend bien compte qu’il y a des freins à certains endroits donc il faut les analyser.”

A notre connaissance aucun audit n’a établi la réalité de ce prétendu déficit de 220 millions d’euros.

La Chambre régionale des comptes a examiné les comptes de la CTM sur 2015/2020 et a globalement donné quitus à la ges- tion de la mandature Marie-Jeanne. Elle reconnait notamment : “1/ Effectivement la gestion 2016/2019 a augmenté la capacité d’autofinancement brute (CAF) de + 34,2 % (p37) et nette de

+ 27,3 % ; voir les tableaux 12 (p 38) et 15 (p39). La part de la CAF brute dans les produits de gestion est passée de 5 % en 2016 à 11,3 % en 2019, soit + 6,3 points tandis que sur la France en- tière elle n’a progressé sur la même période que de 2,26 points”. Et d’ajouter : “Le redressement important de la CAF nette depuis 2016, malgré la réintégration en 2018 de l’encours des emprunts du TCSP, a permis de dégager une épargne significative en 2019, de 63,86 M€, propre à financer 27,06 % des investissements de l’an- née” (p 39). Voir Justice n° 46 du 11/11/2021 pour l’analyse complète de l’avis de la CRC du 21/05/2021 lors de la plénière des 28 et 29/10/2021.

En réalité la vraie question est de savoir si l’actuelle CTM ne s’est pas lancée dans des dépenses non financées.

Face aux responsabilités de la CTM, le président de l’Assem- blé Lucien Saliber reste flou, une habitude dans la majorité de- puis juillet 2021.

Il est une réalité : le quotidien des Martiniquais résulte d’abord de l’action de l’Etat dans le cadre du statut actuel.

Il ne faut donc pas promettre la lune.

J-PM et MB

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