À La Réunion, tollé après des propos de Johnny Payet, responsable du RN sur l’île

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Nous reprenons ci-après un article du journal Le Monde sur les propos du chef du Rassemblement national, Johnny Payet, à la Réunion niant le passé esclavagiste. 

“J” 

De gauche à droite, et même au sein du parti d’extrême droite, plusieurs élus de l’île fustigent des déclarations “aussi absurdes qu’aberrantes” du délégué départemental du parti d’extrême droite, selon lequel “on ne doit plus parler d’esclavage”

En pleine campagne pour les élections législatives, le délégué départemental du Rassemblement national (RN) à La Réunion, Johnny Payet, s’est attiré les foudres de la quasi-totalité des élus de l’île. Jusque dans les rangs de son propre parti. Invité, mardi 18 juin, par la radio publique Réunion La 1ère, le chef local du RN a été interrogé par un auditeur sur le choix de son parti de voter contre la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité, en 2020, au Parlement européen. “Pour moi, le passé, c’est le passé, a répondu M. Payet. On ne peut pas mettre la faute du passé sur les politiques d’aujourd’hui. (…) Aujourd’hui, on a fait un pas de mille ans. On ne doit plus parler d’esclavage”

“Je dis à mes petits-enfants que l’esclavage, c’est fini. On doit regarder devant nous. C’était une façon de vivre il y a des années et des années. Il faut le mettre sur le côté”, a ajouté le maire de La Plaine-des-Palmistes, commune rurale de 6 800 habitants située au cœur de l’île, entre deux massifs volcaniques. Avant de lâcher : “Personnellement, je ne fête pas le 20 décembre”

À La Réunion, le “20 désamb”, appelé “fèt Kaf” en créole, est une journée fériée très populaire et célébrée dans toutes les communes par de nombreux concerts et défilés aux sons du maloya, en hommage à l’abolition de l’esclavage dans l’île, le 20 décembre 1848, par Sarda Garriga. 

“La position exprimée par Johnny Payet dévoile le vrai visage du Rassemblement national”, a condamné le parti Pour La Réunion, de la présidente du conseil régional, Huguette Bello, qui a été candidate aux élections européennes sur la liste de La France insoumise. Elle craint que “l’histoire [soit] revisitée par l’extrême droite si celle-ci accédait au pouvoir”, à l’issue des élections législatives des 30 juin et 7 juillet. 

De son côté, La Plateforme, mouvement autour d’Ericka Bareigts, maire socialiste de Saint-Denis et ancienne ministre des outre-mer, dénonce un “réel danger pour le vivre-ensemble réunionnais”. “Notre culture réunionnaise serait en danger si le Rassemblement national devait être aux commandes du pays !”, alerte cette alliance des forces de gauche. 

“Condamnation et réprobation” 

Deux motions ont été votées, le 19 juin, par les élus du conseil départemental de La Réunion. “Tenir ce genre de propos, c’est renier son passé parce que nous sommes tous des descendants d’esclaves ou d’engagés, quelle que soit notre couleur de peau”, s’indigne Cyrille Melchior, président (divers droite) de la collectivité. 

Les déclarations de Johnny Payet sont également condamnées à La Réunion par les récents convertis au parti d’extrême droite […]. 

Johnny Payet a été, en 2023, le premier élu réunionnais à rejoindre le RN, qui avait du mal à s’ancrer localement. Il assure au Monde que ses propos “ont été déformés” : “Je n’ai jamais dit qu’on ne devait pas célébrer le 20 décembre. J’ai dit que je ne le fête pas en famille”. “L’esclavage, c’est du passé, maintient M. Payet. Nous devons regarder devant nous et travailler pour construire notre pays”. Selon l’homme fort du RN sur l’île, “beaucoup de gens sur les réseaux sociaux ne me donnent pas tort. Cela va avoir un effet boomerang”

Historien spécialiste de l’esclavage à La Réunion, Prosper Eve juge que les déclarations de l’élu “reflètent une ignorance de l’histoire ainsi qu’une haine de soi et de l’autre” : “Cela revient à réduire au silence une grande page de l’histoire. C’est déplorable”. Dans l’île française de l’océan Indien, l’esclavage s’est poursuivi durant plus d’un siècle et demi, entre les années 1670 et 1848. “Des milliers et des milliers de personnes, importées ou nées dans l’île, ont été réduites à l’état d’objets, de “biens meubles” selon le code noir, et ont subi des abominations, rappelle M. Eve. Cela fait partie de notre identité. Remettre en cause cette histoire représente un traumatisme”

Jérôme Talpin (Saint-Denis (La Réunion), correspondant) 

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