Confronté à une crise sans précédent à Mayotte, le ministre de lʼintérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, a annoncé une révision constitutionnelle pour supprimer le “droit du sol” et la fin “des visas territorialisés” dans ce petit pays transformé en département français suite à une opération de type néo-colonial le détachant des Comores.
“Il ne sera plus possible de devenir Français si on n’est pas soi-même enfant de parent français”, a-t-il affirmé.
“Nous couperons ainsi l’attractivité qu’il peut y avoir dans l’archipel mahorais. Il ne sera donc plus possible de pouvoir venir à Mayotte de façon régulière ou irrégulière et d’espérer de devenir Français de cette façon”. “C’est une mesure extrêmement forte, nette, radicale, qui évidemment sera circonscrite à l’archipel de Mayotte”, a-t-il ajouté.
Immédiatement, lʼextrême-droite lepéniste et la droite extrême de Ciotti ont réclamé que la révision constitutionnelle du droit du sol sʼapplique à lʼensemble de la République française qui, à les en croire, serait menacée dʼinvasion comme Mayotte. La gauche, dans un réflexe jacobin, a dénoncé une mesure qui sʼopposerait aux principes et valeurs républicains.
Laurent Fabius, lʼactuel président du Conseil constitutionnel, a récusé ce projet, car il attenterait au principe “d’indivisibilité” de la République. Nous ne pouvons oublier que cʼest au nom de cette République dite “Une et indivisible” que, depuis les années 1960, les différents courants politiques français au pouvoir ont refusé toute évolution statutaire des dits départements dʼoutre-mer vers une forme dʼautonomie.
Cʼest au nom de ce dogmatisme républicain que lʼAssemblée unique du ministre Emmanuelli a été rejetée en 1982 dans le cadre de la décentralisation pour les DOM et que leur a été imposé en 1983 la superposition absurde de la Région et du département. Seules la Guyane et la Martinique ont pu se débarrasser de ce carcan stupide en 2010. Pourtant, face aux crises structurelles, diverses réformes constitutionnelles, notamment celle de 2003, ont du tenter dʼélargir les possibilités dʼadaptation des lois et règlements dans le corset rigide de lʼarticle 73 de cette constitution édictant lʼassimilation législative (droit commun) pour les départements dʼoutre-mer.
Nous estimons que la vie vient de démontrer par lʼabsurde lʼimpasse de la politique dʼassimilation-départementalisation appliquée à Mayotte, non seulement sur le plan migratoire, mais sur le plan de la sécurité, du niveau de vie, social, des infrastructures, etc. Macron-Darmanin sont contraints dʼen prendre acte. Mayotte faisant toujours partie de lʼUnion des Comores, selon le droit international, la collectivité (“territoriale” en 1976, puis “ départementale d’outre-mer” en 2001) fut transformée en département en 2009 par référendum.

Mayotte vit ce que la Martinique a vécu dans les années 1960/1970 : lʼillusion du rattrapage de la France. Cependant, à Mayotte, malgré la pauvreté endémique, le PIB par habitant est neuf fois supérieur à celui des autres îles des Comores. Une autre révision constitutionnelle est annoncée par Darmanin pour lʼAutonomie de la Corse. Une révision constitutionnelle doit être opérée pour la Nonvelle-Calédonie.
Le Congrès des élus de Guyane a demandé un article spécial de la Constitution pour lʼautonomie de son territoire. Macron a nommé des experts pour étudier les voies dʼune évolution institutionnelle pour les départements dʼoutre-mer signataires du dit Appel de Fort-de-France. Rappelons que, lors du colloque outre-mer de mars 2023, le secrétaire national du PCF Fabien Roussel a déclaré en conclusion le 31/03/2023 : “Nous voulons écrire les contours de cette nouvelle République en inscrivant vos pays, vos peuples, la singularité de vos territoires, la singularité de votre histoire dans la poursuite des luttes anticoloniales qui nous ont rassemblé, pour la libération totale de la classe ouvrière”.
Par conséquent, laissons se dérouler le débat politique sur le droit du sol en France et la question de la nationalité. Attachons-nous, pour notre part, à lutter pour que cette Constitution française reconnaisse enfin que nous sommes des peuples et notre droit à lʼautodétermination.
Michel Branchi (19/02/2024)
Édito : Jeudi 22 Février 2024