La révision constitutionnelle de Darmanin au regard du droit

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Mayotte : “Le gouvernement craint que, s’il supprime le droit du sol à Mayotte par une loi, le Conseil constitutionnel ne censure cette révision législative (…)”
Gérald Darmanin a annoncé vouloir supprimer le droit du sol à Mayotte grâce à une révision constitutionnelle. Une décision analysée par le chercheur en droit de la nationalité Jules Lepoutre (Extraits).

Comment réagissez-vous à l’annonce de Gérald Darmanin de vouloir supprimer le droit du sol à Mayotte ?

JL : Cette déclaration va beaucoup plus loin que la précédente, qui visait à étendre la période de résidence régulière des parents au moment de la naissance de l’enfant. Nous sommes passés d’un changement de modalités à une suppression pure et simple du droit du sol. C’est complètement différent en termes de politique. La réforme de 2018 avait déjà créé un droit dérogatoire à Mayotte. Il fallait un séjour régulier d’un parent au moment de la naissance pour que la nationalité puisse être acquise, plus tard, par l’enfant. Le Conseil constitutionnel n’avait rien vu alors de contraire à la Constitution. Là, nous quittons la dérogation. Nous sommes dans une division pure et simple du territoire de la République. Pour supprimer ce droit, Gérald Darmanin annonce une révision constitutionnelle.

Qu’est-ce que cela change dans le droit français ?

JL : Cela peut surprendre de prime abord qu’on veuille réviser la Constitution pour supprimer le droit du sol, alors que celui-ci est prévu par le Code civil. À mon avis, le gouvernement craint que, s’il supprime le droit du sol à Mayotte par une loi, le Conseil constitutionnel ne censure cette révision législative en considérant que le droit du sol a une valeur constitutionnelle. L’idée est que le droit du sol est consubstantiel à la tradition républicaine de la France et que, pour le supprimer, il faudrait une loi constitutionnelle et non simplement une loi ordinaire. Et quand on change la Constitution, le Conseil constitutionnel ne contrôle rien.

Serait-il simple d’obtenir une majorité favorable pour changer la Constitution ?

JL : Les deux chambres doivent d’abord tomber d’accord sur le même texte. Ensuite, celui-ci doit être adopté soit par référendum, soit par une majorité renforcée des trois cinquièmes de l’ensemble des deux chambres réunies en congrès. La majorité sénatoriale serait sans doute favorable à l’adoption d’un tel texte.
C’est d’ailleurs cette majorité qui était à l’origine de la première réforme du droit du sol en 2018. En revanche, pour l’Assemblée nationale, tout dépend si on prend en compte ou non les voix du Rassemblement national. Car il pourrait y avoir des difficultés dans l’aile gauche de la majorité. Après on peut aussi faire un référendum, et là, tout est possible.

Kareen Janselme (L’Humanité-11.02.24)

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