Des révélations sur des agissements criminels des États-Unis dans le monde
Le 26 juin, au terme de 14 ans de combat et de 1901 jours de détention, Julian Assange, le fondateur du réseau d’information Wikileaks sortait libre du tribunal de Saïpan, dans les territoires américains des îles Mariannes où il avait choisi de plaider sa libération, à cause de sa proximité avec l’Australie, le pays dont il est un ressortissant. C’est l’épilogue d’un très long combat contre les poursuites engagées contre lui par la justice américaine pour avoir publié des milliers de documents classés secrets révélant les sombres agissements de la diplomatie américaine, les agissements criminels de l’armée américaine durant son intervention en Irak et en Afghanistan ou les tortures infligées aux prisonniers illégalement détenus dans le camp de Guantanamo à Cuba. Selon l’Espionage Act, une loi qui date de 1917, ces révélations seraient susceptibles de porter atteinte à la sécurité des Etats Unis et assimilées à de l’espionnage. Elles plaçaient Assange sous le coup de 18 chefs d’accusation et lui faisaient encourir 175 ans de prison !
Libéré suite à un plaider-coupable et des pressions internationales
Le 25 juin, l’un des plus célèbres prisonniers avait quitté le Royaume-Uni où durant 5 ans, il était détenu dans une prison de haute sécurité pour rejoindre cette île. Ce qui lui évitait de poser le pied sur le territoire américain proprement dit où il ne se sentirait pas en sécurité. Pour cela, il avait signé un accord de plaider-coupable avec la justice militaire américaine qui avait été accusée par de nombreuses personnalités et organisations internationales de s’opposer à la liberté de la presse. Ainsi, en 2020, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture avait exhorté le gouvernement britannique, fidèle allié des États-Unis, à libérer Julian Assange ou à le placer en détention surveillée en raison de son état de santé, alors qu’il était sous le coup d’une procédure d’extradition vers les États-Unis. “Les souffrances de plus en plus graves infligées à Julian Assange, du fait de son isolement cellulaire prolongé, équivalent à une détention arbitraire, mais aussi à de la torture et à d’autres traitements cruels inhumains et dégradants”, avait-il alors écrit. Il y a deux ans, le Premier ministre travailliste –de gauche– australien avait parié sur ses bonnes relations avec la Maison blanche pour faire avancer ce dossier. Mais la décision de l’ancien ministre de l’Intérieur, Priti Patel, d’approuver l’extradition avait aggravé la menace qui pesait sur Julian Assange et accéléré les contacts diplomatiques. Plusieurs députés australiens avaient pressé leur gouvernement à intervenir auprès de Joe Biden et du Premier ministre britannique Boris Johnson en faveur de la libération d’Assange. Principale alliée des États-Unis dans le Pacifique face à l’influence grandissante de la Chine dans cette région, l’Australie a pesé de tout son poids dans les négociations. Du côté américain, Joe Biden qui a perdu le soutien d’une partie de l’aile gauche du parti démocrate à cause de son refus de condamner les agissements de l’armée israélienne à Gaza a saisi cette occasion pour tenter de ramener à lui les dissidents de sa formation.
Libre mais condamné pour l’exemple
Au terme de la procédure judiciaire, Julian Assange a été libéré. Mais il n’a pas été totalement lavé des accusations qui pesaient sur lui. Si la justice militaire américaine a abandonné 17 des 18 chefs d’accusations qui avaient été retenues contre lui, il a tout de même été reconnu coupable d’acte d’espionnage et condamné à 72 mois de prison, peine qu’il a déjà largement purgé.
Aujourd’hui, la presse américaine et les organisations de défense de la liberté d’expression s’inquiètent des conséquences à long terme de cette condamnation au titre de l’Espionage Act. “Une condamnation pour l’exemple qui pourrait très bien mener certains journalistes travaillant sur des questions sensibles à abandonner certaines révélations par crainte d’être inculpés”, souligne le New York Times. Une inquiétude partagée par Reporters sans frontières dont la directrice demande “la réforme de la loi américaine sur l’espionnage”.
GE avec L’Humanité