Fin de parcours pour Lasotè, figure de la transmission agricole

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Lasotè, c’est une aventure humaine de près de 20 ans

Le tribunal mixte de commerce de Fort-de-France a prononcé la liquidation judiciaire de l’association Lasotè, mettant un terme à près de vingt ans d’engagement au service de la transmission des savoirs agricoles traditionnels du Nord-Caraïbe. Le sursis de trois semaines accordé fin novembre n’a pas permis de redresser une situation financière devenue trop fragile.

Placée en redressement judiciaire depuis le mois de juin, l’association faisait face à un passif estimé à 1,2 million d’euros. Une large part de ces difficultés est liée au non-recouvrement de plus de 400 000 euros de subventions, notamment issues du Fonds social européen et attendues via la Collectivité territoriale de Martinique. Malgré une réduction drastique des effectifs passés d’une trentaine de salariés à seulement quatre et les efforts reconnus par le tribunal, la poursuite de l’activité n’a pas pu être envisagée.

Une aventure humaine née en 2005

Créée en 2005 à l’initiative d’Annick Jubenot, originaire de Fonds-Saint-Denis, Lasotè avait pour ambition de faire revivre une pratique d’entraide agricole autrefois essentielle dans les communes du Nord de la Martinique. Dans ces territoires escarpés, le travail de la terre reposait sur le collectif, mêlant labeur agricole, musique et convivialité.

Avec l’appui de figures locales et de passeurs de mémoire, l’association a patiemment reconstitué les codes, les gestes et l’esprit du lasotè, en allant à la rencontre des anciens. Cette démarche de transmission a permis de redonner vie à une tradition qui avait presque totalement disparu.

Une association qui s’étendait au-delà de la Martinique

Après un premier lasotè organisé en 2008, l’association s’est rapidement structurée et a multiplié les actions. Au fil des années, Lasotè a su se faire reconnaître par plusieurs institutions et a noué des partenariats en France et à l’international. Universités, chercheurs, étudiants, artistes et curieux venus d’Europe, d’Amérique du Nord ou encore d’Asie ont participé à ses activités.

Mais l’action de Lasotè ne s’est pas limitée à la valorisation culturelle. La structure a également porté des chantiers d’insertion par l’activité économique, accueillant des jeunes en difficulté et leur proposant une formation humaine, sociale et professionnelle autour de l’agriculture, de l’artisanat et des pratiques culturelles traditionnelles.

Une liquidation aux conséquences lourdes

La décision de justice entraîne le licenciement des quatre derniers salariés de l’association. Le calendrier de la procédure reste à préciser, avec une possible clôture pour insuffisance d’actifs envisagée d’ici le mois de juin. Ce coup d’arrêt marque la fin d’une structure juridique, mais pas nécessairement celle du mouvement qu’elle a impulsé. Pour ses fondateurs et ses soutiens, Lasotè dépasse largement le cadre administratif d’une association. Il incarne un esprit collectif, une mémoire vivante et une manière de faire société.

Un héritage appelé à se poursuivre

Malgré l’épreuve, les acteurs historiques de Lasotè refusent de céder au découragement. L’ampleur des soutiens reçus ces dernières semaines, en Martinique comme à l’extérieur, témoigne de l’impact profond laissé par l’association. Beaucoup y voient la preuve que le lasotè a retrouvé toute sa place dans le paysage culturel martiniquais. L’avenir immédiat passe par un temps de rassemblement et de mémoire. Une grande rencontre hommage est prévue le 27 décembre à Fonds-Saint-Denis, pour saluer dix-sept années de travail, de transmission et d’engagement collectif. Si Lasotè s’éteint en tant que structure, ses fondateurs espèrent désormais que d’autres prendront le relais pour faire vivre cet héritage, convaincus que la tradition qu’ils ont contribué à réveiller dispose aujourd’hui de nouvelles perspectives.

M.C