Le 22 juillet 1922 à Trinité, Marcel Manville vient au monde.
Le 22 octobre1947 : Marcel Manville prête serment d’avocat devant la première chambre civile de la cour d’appel de Paris.
Le 1er décembre 1998 : décès de Maître Marcel Manville dans les couloirs de la chambre d’accusation de Paris, alors qu’il s’apprêtait à plaider la cause des victimes algériennes du massacre d’octobre 1961.
Le 1er décembre 2013 : inauguration officielle de la “Voie pour un combattant de la liberté” par le maire de Fort-de-France, Monsieur Raymond Saint-Louis-Augustin, entouré de Madame Jeannie Darsières, veuve du bâtonnier Camille Darsières, responsable de la commission chargée des dénominations de la ville qui dira : “Sa vie est un exemple”, en présence de la famille Manville, des responsables du PKLS et surtout de Monsieur Tristan Gervais de Lafond, président (en 2013) du tribunal de grande instance de Fort-de-France, puis premier président de la cour d’appel de Montpellier, et aujourd’hui conseiller à la Cour de cassation.
Oui, Marcel Manville est derrière les barreaux ! En effet, dans le prolongement de la place Fabien-Véronique située derrière le complexe Perrinon, cette voie longe le palais de justice de Fort-de-France en parallèle, et ce jusqu’au boulevard Général-de-Gaulle, et surtout l’entrée du tribunal judiciaire. L’hommage rendu à cet avocat martiniquais d’exception par la ville de Fort-de-France, était amplement mérité. Le maire actuel a-t-il fait le constat comme nous que cette allée baptisée de son nom subit aujourd’hui un outrage insupportable par le verrouillage de cette voie qu’il est désormais impossible de traverser, de sorte que la stèle et son support nous imposent un Marcel Manville inaccessible, et dont la mémoire de cet infatigable militant de la justice, de la dignité humaine et de la liberté des peuples est “symboliquement emprisonnée” derrière deux grandes portes surmontées de barreaux ?
Sécuriser le palais de justice
Pour ainsi enfermer Marcel Manville, ce sont les mesures prises au nom de la “sécurisation” du palais de justice qui ont été requises et les travaux confiés à une entreprise de Marseille, réalisés par des sous-traitants martiniquais, sans qu’à aucun moment les décideurs et maître de l’ouvrage n’interrogent les archives de la justice martiniquaise et les sachants. Mais il en est ainsi dans notre collectivité, “où après son tour et puis s’en va…”, l’on fait peu de cas dès que l’on est en responsabilité ailleurs, de ce qu’il adviendra demain des visages des bâtiments publics de la Martinique.
Marcel Manville, c’est le jeune Martiniquais qui répond à l’appel du 18 Juin et qui, monté au feu et blessé, sera décoré pour sa bravoure.
Marcel Manville, c’est l’avocat des opprimés et des exclus. Marcel Manville, c’est l’avocat de la cause algérienne, compagnon de route de Frantz Fanon.
Marcel Manville, c’est l’avocat communiste lucide sur l’avenir du monde, et en particulier sur celui d’une Martinique post-coloniale.
L’avocat de toutes les causes
Marcel Manville c’est l’avocat de toutes les causes et de tous les combats pour la justice :
– la défense des militants algériens et du FLN ;
– la défense des 16 de Basse-Pointe ;
– la défense des militants de l’Ojam ;
– la défense d’Adrien Caloc (avec l’arrêt de principe du 20/07/2000 de la Cour européenne des droits de l’Homme) ;
– la défense des victimes des crimes coloniaux commis en Afrique du Nord et aux Antilles ;
– la défense dans les années 1985-1990 de la demande de réparation du crime contre l’humanité que constitue l’esclavage.
Marcel Manville est le co-fondateur du Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP).
Marcel Manville, c’est le procès historique et fictif de Christophe Colomb, tenu à la Martinique sous l’égide du cercle Frantz Fanon avec des intervenants de la Caraïbes et d’Afrique.
Marcel Manville est incontestablement pour votre barreau un phare et une conscience.
Alors comment ne pas interpeller ceux qui ont le pouvoir de “libérer sa mémoire” ? En l’état, quelle ironie publique !
Libérer sa mémoire
Comment ne pas y voir la marque inconsciente d’une justice qui des décennies après sa mort referme sur lui ses grilles et rend captive la mémoire de celui qu’elle n’avait jamais pu et su de son vivant réduire au silence.
Quelle est cette justice rendue au nom du peuple, mais qui se barricade et tourne le dos à ses acteurs martiniquais et à son histoire ? De quoi les magistrats ont-ils si peur pour se calfeutrer et se cacher ?
Plus grave, lors de la création de cette voie, l’édilité avait décidé de garder un pan du mur séparant l’ex-prison du “118” et la caserne de la gendarmerie. Dans ce pan de mur, il y avait une porte en fer. C’est celle que les jeunes militants de l’Organisation de la jeunesse anticolonialiste martiniquaise ont dû traverser dans la nuit du 9 mars 1963 à 3 heures du matin pour être “déportés” en France. Pour se souvenir de cette ignominie, une plaque avec le nom de ces jeunes Martiniquais avait été apposée sur ce pan de mur. Elle aussi a été enfermée dans le nouveau périmètre de sécurité du palais de justice. C’est une autre atteinte grave à la mémoire collective de la Martinique !
Alors, cela suffit… Rendez cette voie au public, et laissez cette allée aux piétons pour qu’elle soit de nouveau foulée librement en mémoire d’illustres aînés et d’un grand avocat.
Car si la justice procède du postulat que, nul n’est censé ignorer la loi, l’histoire d’un pays, elle, exige de ne point être ignorée de tous, la connaître c’est respecter son passé pour mieux bâtir son avenir.
Merci à tous ceux qui ont le pouvoir de décision de retenir qu’à défaut de Panthéon martiniquais, nos modèles habitent nos rues.
Pour la défense de la mémoire de Maître Marcel Manville, Max Bellemare, Raphaël Constant, Philippe Edmond-Mariette, Marie-Lyne Marine, Philippe Placide.

