Une proposition de loi ambitieuse pour sortir la drépanocytose de l’ombre

0
20
La journée mondiale de lutte contre la drépanocytose est le 19 juin

La drépanocytose, pourtant première maladie génétique au monde, demeure largement ignorée en France. Ce paradoxe pourrait bientôt être corrigé : plusieurs députés ultramarins viennent de déposer à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à améliorer la connaissance, la prise en charge et le traitement de cette pathologie. Une initiative transpartisane, portée par des élus de différents groupes politiques et soutenue par les associations de patients.

Le projet a été co-rédigé par quatre parlementaires : Olivier Serva (Guadeloupe), Béatrice Bellay (Martinique), Frantz Gumbs (Saint-Martin) et Maud Petit (élue du Val-de-Marne, originaire de Martinique). Depuis plusieurs mois, ils consultent médecins, associations et institutions pour bâtir un cadre législatif cohérent.Ils souhaitent tirer la sonnette d’alarme : on recence près 300 000 naissances par an dans le monde dont 32 000 personnes atteintes en France. La maladie reste mal identifiée, y compris dans les services d’urgence.

Les députés veulent ainsi inscrire dans la loi ce qui manque aujourd’hui dans la réglementation. 

Leur texte, articulé en neuf articles, prévoit la création de centres de référence, d’un comité national dédié, l’amélioration de l’accès aux traitements modernes et une meilleure formation des professionnels de santé. La reconnaissance de la drépanocytose comme grande cause nationale y figure également, tout comme la mise en place d’un observatoire chargé de suivre la maladie à l’échelle du pays.

Des associations qui espèrent enfin un tournant

Les acteurs associatifs, en première ligne depuis des décennies, saluent cette avancée. Jenny Hippocrate, présidente de l’Association pour l’information et la prévention de la drépanocytose (APIPD), qui milite depuis 33 ans, voit dans cette proposition une étape décisive. Elle rappelle que, malgré l’ampleur mondiale de la maladie, plus de 50 millions de personnes touchées, l’absence de rentabilité économique freine les efforts de recherche et de prise en charge. Elle insiste aussi sur les discriminations qui pèsent sur les malades, souvent incompris à l’école ou au travail en raison du caractère invisible de la pathologie. Pour elle, cette loi offrirait enfin une reconnaissance institutionnelle et un accès équitable aux soins.

Une urgence sanitaire grandissante

Les médecins partagent cet avis. Le Dr Christian Kassasseya, de l’hôpital Henri Mondor, souligne que le nombre de patients va continuer à augmenter. Selon lui, l’adoption d’un cadre législatif clair pousserait les universités à renforcer l’enseignement sur la maladie et encouragerait les soignants à se former davantage, améliorant ainsi les diagnostics et l’accompagnement des familles.

Certains outils existent déjà : depuis le 1er novembre, le dépistage néonatal de la drépanocytose est généralisé en France. Mais pour les élus ultramarins, ce n’est qu’un premier pas. Il faut aller plus loin, mieux structurer le parcours de soins, faciliter l’accès à des techniques comme l’érythraphérèse, et garantir une véritable égalité territoriale face à cette maladie qui touche fortement les populations des Outre-mer.

Une démarche politique rare dans un Parlement divisé

L’un des atouts majeurs de cette initiative réside dans son soutien large : la proposition de loi est co-signée par des députés issus de différents groupes politiques. Dans une Assemblée souvent fragmentée, cette transversalité pourrait permettre d’inscrire rapidement le texte à l’ordre du jour. Les élus comptent désormais convaincre l’ensemble de l’hémicycle. Maud Petit rappelle qu’il est indispensable que les parlementaires hexagonaux se saisissent du sujet : la drépanocytose n’est pas une maladie rare, seulement trop méconnue.

Les porteurs du projet espèrent faire aboutir la loi d’ici un an. Ils savent que les malades attendent depuis longtemps une prise en compte nationale. Pour les associations, cette reconnaissance serait un véritable accélérateur : davantage de moyens, plus de visibilité, et surtout la fin d’une forme de relégation institutionnelle.

M.C le 20/11/2025