Jeudi 20 novembre après près de trois jours, le procès des quatre prévenus Serge Letchimy, Didier Laguerre, Yvon Pacquit et Max Bunod s’est conclu par les réquisitions du tribunal de Paris.
Des amendes et peines d’inéligibilités ont été requises par le parquet. Le délibéré sera rendu le 19 février 2026, presque un mois avant les élections municipales de 2026. Mais elles ne sont pas assorties d’exécution provisoire, ce qui aurait pu faire une grande différence (cf affaire Sarkozy).
L’actuel président du conseil exécutif de la CTM Serge Letchimy, le maire de Fort-de-France Didier Laguerre et son premier adjoint Yvon Pacquit ont comparu devant le tribunal correctionnel de Paris le 17 novembre 2025.
Serge Letchimy devait s’expliquer sur les conditions de son départ à la retraite de la mairie de Fort-de-France et répondre à une accusation de détournement de fonds publics.
Le parquet national financier (PNF) lui reproche d’avoir demandé et obtenu sa réintégration dans son emploi d’ingénieur territorial de la ville de Fort-de-France à compter du 1er janvier 2016 et d’avoir perçu le paiement de trois mois de traitement représentant la somme de 23 465,55 euros, ainsi qu’une incitation au départ à la retraite d’un montant de 67 552,48 euros, soit un total de 97 984,80 euros, correspondant au montant des pensions de retraite perçues entre le 1er avril 2016 et le 12 mars 2019.
Selon le PNF, cette réintégration est strictement interdite par l’article LO142 du Code électoral, qui prohibe le retour dans la fonction publique pendant l’exercice d’un mandat parlementaire, afin de garantir la séparation des pouvoirs.
Selon la Justice, Serge Letchimy n’aurait pas dû être réintégré aux effectifs de la ville de Fort-de-France en raison de l’incompatibilité entre l’exercice de fonctions électives et un mandat de député, au regard du Code électoral, qui consacre le principe de séparation des pouvoirs et fixe les règles relatives au non-cumul d’emplois édictées à l’article 25 de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
Le dispositif de départ anticipé à la retraite avait été élaboré lorsqu’il était maire et mis en place pour alléger la masse salariale de la mairie de Fort-de-France au début des années 2000. Dans des rapports de 2019 et 2020, la Chambre régionale des comptes avait pointé du doigt ce dispositif.
Pour les avocats, le dispositif dont a bénéficié Serge Letchimy était habituel et éprouvé: appliqué depuis 2002, il n’avait jamais fait l’objet de remarques de la part des autorités de contrôle avant le rapport de la Cour des Comptes en 2019.
Quant à Didier Laguerre, il est poursuivi pour avoir détourné ou soustrait des fonds publics en réintégrant Serge Letchimy dans son emploi d’ingénieur de la ville à compter du 1er janvier 2016. Il lui est reproché d’avoir signé plusieurs arrêtés et autorisations de paiement en violation du principe de séparation des pouvoirs et du Code électoral.
Yvon Pacquit est poursuivi, car il est le premier adjoint de Didier Laguerre. Il est soupçonné d’avoir tenté de détourner des fonds publics en signant un arrêté de décision d’octroi de l’incitation financière de départ anticipé à la retraite de Serge Letchimy. Toutefois, l’enquête fait ressortir que cette tentative n’a échoué que pour des raisons indépendantes de la volonté de son auteur, à savoir refus de payer du payeur.
Max Bunod, ancien directeur général des services de la ville, est soupçonné de complicité de détournement de fonds.
C’est la légalité de ce dispositif de départ anticipé à la retraite qui est au cœur des débats.
Les explications de Serge Letchimy
Devant la 32e chambre correctionnelle de Paris, Serge Letchimy assure qu’ “à aucun moment ma probité n’a été remise en cause. J’ai toujours eu la volonté d’une grande transparence et l’exigence d’une intégrité dans toutes mes fonctions politiques”.
Selon lui, il se défend d’avoir exercé la moindre activité à cette occasion, ni même d’avoir demandé paiement de son salaire durant les trois mois de sa réintégration dans la fonction publique territoriale : « C’est une réintégration administrative et tout de suite mise en congé. Lorsque j’ai reçu un premier virement, j’ai tout de suite appelé (le directeur général des services) et j’ai dit ce que c’est que ça ? On m’a répondu que c’était obligatoire.”
Pour information, Serge Letchimy a un casier judiciaire vierge.
La défense de Didier Laguerre juge que l’article LO142 est imprécis et qu’il a été conçu pour les fonctionnaires d’État et non pour les territoriaux et que son interprétation par le PNF porte atteinte au droit à la retraite en gelant pendant plusieurs années les droits d’un fonctionnaire devenu député. La défense a donc déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui a été jugée recevable, mais considéré qu’elle ne justifiait pas de renvoi. Le procureur national financier affirme que le texte est sans ambiguïté : un député ne peut ni réintégrer son administration d’origine, ni percevoir les avantages attachés à un poste territorial.
Durant les autres jours de procès, Didier Laguerre a soutenu qu’il n’a accordé “aucune faveur” à Serge Letchimy. Plusieurs contradictions ont été révélées, ainsi que plusieurs approximations, car aucun des prévenus ne semble vouloir porter pleinement la responsabilité.
Le tribunal se prononcera le 19 février 2026
Après trois d’audience, le parquet a requis de lourdes peines à l’encontre de Serge Letchimy, Didier Laguerre, Yvon Pacquit et Max Bunod.
Le parquet demande pour Serge Letchimy, 2 ans de prison avec sursis, 150 000 € d’amende et 5 ans d’inéligibilité.
Pour Didier Laguerre, c’est 18 mois de sursis, 20 000 € d’amende et 5 ans d’inéligibilité. Max Bunod risque 12 mois de sursis et 10 000 € d’amende, tandis que le premier adjoint Yvon Pacquit fait face à une demande de 6 mois de sursis et 5 000 € d’amende. Il faudra attendre le 19 février pour connaître le verdict final.
Bien que Serge Letchimy ait annoncé qu’il se retire du monde politique en 2026, Didier Laguerre souhaite être candidat à sa propre succession pour la municipalité de Fort-de-France. Le verdict risque peut-être de contrecarrer ses projets.
J-PM

