Laurent Wauquiez (LR)
Candidat à la présidence du parti des Républicains, Laurent Wauquiez a fait une proposition délirante. Il souhaite que “les étrangers dangereux sous OQTF soient enfermés dans un centre de rétention à Saint-Pierre-et-Miquelon, hors de l’Hexagone”. Une proposition qui a fait beaucoup réagir et qui replonge les pays dits d’outre-mers dans le passé colonial.
L’ex-président du conseil régional d’Auvergne-Rhône-Alpes a proposé, mardi 8 avril, “que les étrangers dangereux sous OQTF (obligation de quitter le territoire français), soient enfermés dans un centre de rétention à Saint-Pierre-et-Miquelon, hors de l’Hexagone”. Le tout dans le cadre d’un entretien accordé… au JDNews, supplément dominical du Journal du dimanche (JDD), titre du groupe Bolloré.
Le patron des députés du groupe Droite républicaine, qui dénonce le fait que la rétention administrative des étrangers sous OQTF soit limitée à quatre-vingt-dix jours – sauf en cas d’infraction terroriste -, lance donc l’idée d’une déportation dans l’archipel situé à proximité du Canada, à près de 4 000 kilomètres de la métropole. Le tout en utilisant le climat comme justification : “Il fait 5 degrés de moyenne pendant l’année, cent quarante-six jours de pluie et de neige. Je pense qu’assez rapidement, ça va amener tout le monde à réfléchir.” Laurent Wauquiez rêve ainsi d’une “seule alternative” : “Soit partir à Saint-Pierre-et-Miquelon, soit rentrer chez eux.” Ces centres de rétentions – qui ne sont pas sans rappeler les bagnes – accueilleraient “150 personnes”. De quoi, selon Laurent Wauquiez, “aboutir au moins à 50 % de retour direct dans les pays d’origine”. “L’Australie éloigne ses OQTF sur une île, l’Italie a tenté avec l’Albanie, le Royaume-Uni avec le Rwanda. Il s’agit d’une mesure musclée, mais qui a le mérite d’être dissuasive et efficace”, a tenté de défendre Geoffroy Didier, membre de la direction de campagne de Laurent Wauquiez, dans le Parisien.
De vives réactions
La proposition de Laurent Wauquiez a provoqué très rapidement l’indignation d’une grande partie de la droite de l’échiquier politique. Du moins en ce qui concerne le choix de Saint-Pierre-et-Miquelon, la diabolisation des ressortissants sous OQTF ayant été occultée. “C’est la France, pas une prison ou un centre de rétention, a ainsi lancé le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, dans un communiqué transmis à l’Agence France-Presse (AFP). Aucun territoire français ne mérite d’être traité comme une zone de relégation.” L’ex-premier ministre socialiste ajoute : “L’exil forcé, c’est une méthode de colon, pas d’élu de la République. Le bagne de Cayenne, c’est loin, et tant mieux.”
Pour redorer son blason, la cheffe du Rassemblement Nationale a réagi, en indiquant que “la place des OQTF, c’est dans leur pays…, sûrement pas dans un territoire français. Les habitants de Saint-Pierre-et-Miquelon ne sont pas des sous-citoyens”. N’oublions pas que Marine Le Pen cherche un second souffle.
Le sénateur et porte-parole du Parti communiste français (PCF), Ian Brossat, pointe l’enchaînement d’annonces autoritaires au sein du “socle commun” : “Borne qui veut que les élèves de maternelle pensent à leur orientation professionnelle, Wauquiez qui veut enfermer les OQTF à Saint-Pierre-et-Miquelon…
On se demandait ce qui unissait le “socle commun”. On a la réponse : la bêtise.”
Marcellin Nadeau : Une déclaration “insultante pour nos territoires et nos concitoyen.nes”
Le député de la circonscription du Nord de Martinique, Marcellin Nadeau, a réagi le 8 avril par la voie d’un communiqué : “En tant que député d’un territoire dit d’outre-mer, je tiens à exprimer ma plus vive indignation face aux propos récemment tenus par M. Laurent WAUQUIEZ […] Cette déclaration n’est pas seulement irréaliste sur le plan logistique, elle est profondément insultante pour nos territoires et nos concitoyen.nes. À travers de telles idées, ce sont les dits outre-mer que l’on pointe du doigt comme exutoires des échecs de la France. Comme si nos terres, nos populations, notre histoire et nos identités pouvaient servir de terrain de relégation.”
Marcellin Nadeau évoque de nouveau, les nombreuses difficultés auxquelles sont confrontés les pays dits ultramarins : “nos territoires sont déjà confrontés à des défis majeurs : des infrastructures sous-dimensionnées, un déficit criant de personnels dans tous les secteurs et des inégalités structurelles persistantes. Et nous devrions en plus accueillir celles et ceux dont la France ne veut plus ? Cette vision teintée de mépris et d’ignorance n’a pas sa place dans le débat public. […] les relents de cette proposition évoquent une pensée autoritaire, brutale à la frontière du fascisme. Quand la droite dite républicaine tient les mêmes discours que l’extrême droite, il est légitime de se demander s’il reste encore une différence […] il est temps de reconnaître que les dits outre-mer ne sont ni des arrière-cours, ni des zones d’expérimentation pour des politiques de relégation il mérite d’être considéré avec sérieux respect et responsabilité.”
En décembre 1940, le régime nazi avait abandonné l’idée du plan Madagascar : Il s’agissait de déporter quatre millions de Juifs d’Allemagne, de ses pays alliés et de ses territoires conquis, à Madagascar, alors colonie française.
J-PM avec Tom Demars-Granja
L’Humanité
Publié le 9 avril 2025