Condamnation de Marine Le Pen : Le RN et la droite refusent de se soumettre à la justice et s’attaquent à l’État de droit

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À la barre du tribunal comme sur les plateaux de télévision, Marine Le Pen et le Rassemblement national ont fait du mensonge leur axe de défense.

Le lundi 31 mars, la 11ᵉ chambre du tribunal correctionnel de Paris, après un procès de plusieurs mois, rendait son verdict dans l’affaire dite des pseudo-assistants parlementaires du Rassemblement national – ex-Front national – rémunérés sur des fonds européens. Au terme d’une très longue enquête et de deux mois de procès conduits par la présidente Bénédicte de Perthuis, le tribunal a prononcé un verdict reconnaissant 9 anciens députés du RN et leurs 12 assistants parlementaires, ainsi que la patronne, Marine Le Pen, coupables de détournement de fonds publics.

Un système destiné à favoriser l’enrichissement du RN L’enquête approfondie menée dans les différents services du Parlement européen tant à Strasbourg qu’à Bruxelles a révélé l’existence d’un vaste système d’emplois fictifs et de détournement de fonds européens mis en place par Jean-Marie Le Pen, puis par sa fille Marine qui a fonctionné, du 1ᵉʳ novembre 2004 au 17 janvier 2016. “C’est un véritable système […] destiné à constituer une véritable manne financière pour le parti” et qui devait lui rapporter 6,5 millions d’euros par an, soit près du double de la masse salariale du parti à l’époque, a affirmé la présidente du tribunal. Dans sa plaidoirie de plus de deux heures, elle a mis à nu les rouages “d’un système organisé, centralisé, optimisé”. Avec au cœur de ce système depuis 2009, “Marine Le Pen qui s’est inscrite avec autorité et détermination dans le fonctionnement instauré par son père, auquel elle participait depuis 2004”.

Un verdict qui vise à rappeler tous au respect des règles du jeu démocratique

Bien évidemment, c’est Marine Le Pen qui écope de la peine la plus lourde avec quatre ans de prison dont deux avec sursis contre les cinq réclamés par le parquet, 100 000 euros d’amende et surtout à cinq années d’inéligibilité, avec exécution provisoire. Ce qui signifie que la peine est immédiatement applicable, même si elle a fait appel. Mais peu importe pour les fanatiques du RN ou de la droite que Marine Le Pen ait détourné des millions de fonds publics, c’est la peine d’inéligibilité interdisant donc à leur candidate donnée favorite par les sondages pour le premier tour de l’élection présidentielle de 2027 de se présenter qui suscite leur colère. Ces militants du Rassemblement national et leurs alliés d’Éric Ciotti (ex LR) ne semblent guère se soucier du sort des autres condamnés parmi lesquels certains ont récolté plusieurs années de prison et de fortes amendes. À l’exemple de Bruno Gollnich, lui aussi condamné à cinq ans d’inéligibilité avec exécution provisoire, Wallerand de Saint-Just, le trésorier du parti, Nicolas Crochet, l’expert-comptable frappé de trois ans d’interdiction professionnelle ainsi que le député européen, Nicolas Bay. Autre peine sévère, celle infligée à l’eurodéputée Catherine Criset, l’ancienne secrétaire de Marine Le Pen, condamnée à deux ans d’inéligibilité avec exécution provisoire. Rares sont ceux qui, comme le maire de Perpignan Louis Alliot, ont été relaxés. Le tribunal justifie la peine d’inéligibilité par le risque de “récidive objectivement caractérisé” et au vu de la “gravité des faits… leur nature systématique, leur durée et le montant des fonds détournés… ainsi que l’atteinte portée à la confiance publique et aux règles du jeu démocratique”. À ceux qui, accusent la justice d’acharnement, il faut rappeler que d’autres élus ont déjà été condamnés à des peines d’inéligibilité immédiate pour des faits similaires. Citons entre autres Jean-Marie Le Pen lui-même, ALAIN Juppé, l’ex-maire de Bordeaux ou l’ancien ministre du Budget de François Hollande, Jérôme Cahuzac.

Le Pen et ses partisans lancent une virulente attaque contre l’État de droit et la démocratie

La condamnation de Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité a provoqué de vives protestations dans tous les milieux d’extrême droite tant au niveau français qu’à l’étranger. Premiers à réagir, le Rassemblement national avec Marine Le Pen en tête, les Républicains d’Éric Ciotti et même une partie des élus macronistes. Pour eux, Marine Le Pen est une victime de la “tyrannie des juges” qui veulent à tout prix l’empêcher d’accéder à l’Élysée. Même le Premier ministre François Bayrou s’est dit “troublé” par le verdict avant de se reprendre en appelant au respect des institutions. Le lendemain, loin de faire profil bas, les députés RN ont réservé un accueil triomphal à Marine Le Pen lors de l’arrivée de leur cheffe à l’Assemblée nationale. Ce mardi-là, la patronne du RN dont les propos sont abondamment repris par certains médias s’est appliquée à galvaniser ses troupes en leur communiquant quelques éléments de langage visant à discréditer l’institution judiciaire et l’État de droit : “Le système a sorti la bombe nucléaire parce que nous sommes sur le point de gagner…. Nous défendrons le droit des Français à voter pour qui ils souhaitent”, en se posant en défenseur de la démocratie. Pour le président du RN Jordan Bardella, qui assure ne pas penser à sa propre candidature en cas d’empêchement de la patronne, “Tant que nous n’aurons pas combattu cette injustice, je refuserai de me mettre dans ce scénario”. Tandis que pour la députée RN Laure Lavalette : “C’est mal connaître Marine Le Pen que de penser qu’elle allait se soumettre”. Des propos qui illustrent le refus du RN de reconnaître une décision de justice et de s’y soumettre et une attaque en règle contre les institutions dont le RN est coutumier, alors qu’il souhaite supprimer le juge constitutionnel et accorder un droit de regard aux policiers sur les décisions de justice comme en Hongrie ou aux États-Unis qui ne sont pas connus pour être de grands défenseurs des droits de l’homme. Marine Le Pen n’est pas à une contradiction près quand elle réclame le respect des droits de l’homme alors que les lois qui lui sont appliquées ont été votées par des parlementaires choisis par des représentants du peuple. Ce sont ces lois qui ont été appliquées par le tribunal correctionnel de Paris et qui ont déjà prononcé des sanctions identiques à l’encontre de plusieurs autres responsables politiques. Certains fanatiques d’extrême droite ont même adressé des menaces à l’encontre des magistrats. Mais une fraction de la droite, à l’exemple de Xavier Bertrand, refuse de s’engager dans cette croisade contre le jugement rendu à l’encontre de Marine Le Pen. Pour lui : “Marine Le Pen n’est pas victime d’une erreur judiciaire”.

Vers une procédure accélérée pour un procès en appel

C’est bien la preuve que tous les Français ne sont pas égaux devant la loi ! En effet, dès le lendemain de sa condamnation et face à la mobilisation des partisans de Marine Le Pen, la plupart des responsables gouvernementaux français faisaient part de leur désir de voir organiser un nouveau procès en appel. Lors du Conseil des ministres du mercredi 2 avril, Emmanuel Macron a rappelé que “la justice est indépendante” et a insisté sur “les droits de recours des justiciables”. Un clin d’œil en direction des magistrats ? Le jour même, dans un communiqué, la cour d’appel de Paris faisait savoir qu’elle envisageait un procès dont la décision serait rendue avant l’été 2026. Ce qui, en cas d’annulation de la peine d’inéligibilité immédiate, laisserait à Marine Le Pen la possibilité de se présenter à la présidentielle de 2027. Une décision qui a réjoui cette dernière qui estime que la révision en appel envisagée à l’été 2026 était “une très bonne nouvelle” qui dénote “le trouble qu’a créé le jugement”. Quant à son avocat, il a estimé qu’un éventuel procès en appel était un “désaveu” du premier jugement. Dans une visioconférence à destination de ses amis fascistes italiens, Marine Le Pen est allée jusqu’à identifier son offensive contre la justice à un combat démocratique, à celui mené aux États-Unis par Martin Luther King pour la défense des droits civiques des Noirs. En dépit de ces arguments des plus mensongers et du battage médiatique orchestré par les médias complaisants, le meeting de soutien organisé le dimanche 6 avril pour faire pression sur la justice n’a pas connu le succès escompté. Peut-être parce que certains n’approuvent pas ces attaques contre l’État de droit et contre les juges.

G.E

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