Le projet de loi d’urgence pour la reconstruction de Mayotte, victime du cyclone Chido, mi-décembre, a été présenté en Conseil des ministres, le mercredi 8 décembre. Composé d’une vingtaine d’articles, le texte prévoit notamment de permettre aux acteurs publics de déroger pendant deux ans aux règles d’urbanisme et des marchés publics.
Alors que les habitants de Mayotte doivent gérer les ravages provoqués par le cyclone Chido – le plus dévastateur à Mayotte depuis 90 ans – le projet de loi pour la reconstruction de l’archipel a été présenté en Conseil des ministres, mercredi 8 décembre. L’objectif de ce texte – annoncé le 18 décembre en réponse au contexte de “calamité naturelle exceptionnelle” – est de permettre aux acteurs publics de “rétablir les conditions de vie des habitants” tout “en préparant la reconstruction” de Mayotte, notamment en dérogeant pendant deux ans aux règles d’urbanisme et des marchés publics. Le gouvernement Bayrou espère ainsi faciliter la reconstruction des écoles, mais aussi des infrastructures et des logements. Le projet de loi, composé d’une vingtaine d’articles, prévoit notamment que des constructions à “usage d’hébergement d’urgence” soient édifiées à Mayotte. Le tout “postérieurement au 14 décembre 2024 et jusqu’à l’expiration d’un délai de deux ans suivant la publication de la présente loi”. Ces hébergements seront ainsi dispensés de toute formalité “au titre du code de l’urbanisme”.
Des rénovations à la place des collectivités locales
Pour mener à bien cette mission, le texte prévoit d’élargir les missions de l’établissement public foncier et d’aménagement de Mayotte (EPFAM), mis sur pied en 2017, pour lui confier “la mission de coordonner les travaux de reconstruction”. Nouvelle configuration qui devrait concerner les écoles, durement touchées alors que ce département est le plus jeune de France avec un habitant sur deux mineur. Le projet de loi d’urgence prévoit ainsi que “l’État ou un de ses établissements publics” puisse assurer leur construction ou rénovation en lieu et place des collectivités locales jusqu’au 31 décembre 2027.
Sur le foncier, sujet ample auquel est consacrée l’entièreté d’un article, le texte prévoit de déroger aux règles habituelles et de pouvoir exproprier avant qu’un propriétaire ait été identifié, quitte à l’indemniser a posteriori. De fait, les terrains constructibles restent rares à Mayotte, tandis que l’identification formelle des propriétaires reste souvent difficile.
Le projet de loi d’urgence contiendra aussi plusieurs mesures économiques qui resteront en vigueur “jusqu’au 31 mars 2025” : la suspension du recouvrement des cotisations sociales des travailleurs indépendants, la prolongation des droits des assurés sociaux et des chômeurs ou l’augmentation de la prise en charge au titre du chômage partiel. Pour les mesures de plus long terme, notamment autour des questions d’immigration, de sécurité et de développement économique, le gouvernement prévoit un autre projet de “loi-programme” qui sera élaboré dans les trois mois, indique Matignon.
Pour les mesures “structurelles” de plus long terme, notamment autour des questions d’immigration, de sécurité et de développement économique, le gouvernement prévoit un autre projet de “loi programme” qui sera élaboré dans les trois mois.
Le texte devait passer en commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale dès le lundi 13 janvier, jour de la reprise de l’activité au sein de l’hémicycle. Son examen en commission pourrait se prolonger mardi 14 janvier, avant une première lecture en séance, lundi 20 janvier. En réponse aux pistes envisagée par le gouvernement dirigé par François Bayrou, le secrétaire national du Parti communiste français (PCF), Fabien Roussel, a exhorté, mardi 7 avril sur le plateau de TF1, l’Assemblée nationale à créer une commission d’enquête parlementaire “qui aille, toutes tendances confondues, ensemble sur le terrain, mesurer non seulement les dégâts, mais mesurer que le gouvernement prend du retard dans les moyens qu’il faut déployer en direction de la population de Mayotte”.
Le ministre Valls, a reconnu que le texte était “sans doute incomplet”, évoquant notamment “d’autres mesures très urgentes” comme la lutte contre l’habitat illégal, qui ne figure pas dans le projet de loi, ou celle contre l’immigration irrégulière.
“Nous ne laisserons pas Mayotte redevenir une île bidonville”, a-t-il martelé, en augmentant notamment “les moyens pour les forces de l’ordre”.
“C’est un dossier délicat qu’on ne peut pas régler en claquant des doigts”, a souligné le ministre, alors que nombre d’habitants des quartiers informels de l’archipel ont déjà reconstruit leur habitation.
Aucun article au sein du projet n’est, en revanche, consacré à l’habitat précaire, contrairement aux dires du premier ministre, François Bayrou, qui avait annoncé, lors de son déplacement à Mayotte fin décembre, “empêcher la reconstruction”. Plusieurs voix, à droite comme à l’extrême droite, ont plongé dans la surenchère et s’en sont prises à ce qu’elles considèrent être la seule coupable de la situation : l’immigration. “Le texte est inacceptable parce qu’il n’apporte aucune réponse aux vraies urgences de Mayotte”, a par exemple réagi l’ancien député et vice-président républicain chargé des Outre-mer, Mansour Kamardine. L’élu de droite souhaite qu’une mesure dédiée à “l’interdiction des bidonvilles” soit inscrite à l’ordre du jour. “Sans régler le problème de l’immigration clandestine, rien ne sera utile”, a quant à elle avancé la cheffe de file du Rassemblement national, Marine Le Pen, depuis le département sinistré, où elle était en déplacement dimanche 5 et lundi 6 janvier. « Croire que modifier le droit du sol empêchera des ressortissants voisins de venir à Mayotte en espérant échapper à la misère est soit naïf, soit cynique », avait critiqué déjà la sénatrice socialiste Marie-Pierre de La Gontrie, en réaction à un entretien du ministre de la Justice, Gérald Darmanin, lundi 6 janvier au micro de RTL. Alors que la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, devait se rendre à Mayotte du 9 au 11 janvier, la suite des événements permettra donc aux Mahorais de savoir si le débat identitaire va prendre le pas sur la situation humanitaire.
Avec Tom Demars-Granja
L’Humanité du 8 janvier 2025 et AFP