Florian Gulli, professeur de philosophie et auteur de lʼAntiracisme trahi (PUF, 2022)
Contestée dès la mort de Marx et d’Engels, la philosophie matérialiste a été considérée comme dépassée au tournant des années 1970-1980. Elle détient pourtant des clés essentielles à la compréhension du monde et des sociétés humaines.
Pourquoi les analyses du matérialisme historique ont-elles pu être contestées ou considérées par certains comme dépassées ?
Marx, Engels ou encore Lénine considèrent que la question philosophique fondamentale est l’opposition entre matérialisme et idéalisme. Cela peut sembler très abstrait, mais elle ordonne toute l’histoire de la pensée. Le matérialisme veut que, pour comprendre la réalité, il faille partir de la matière, d’en bas, de la vie matérielle pour expliquer la conscience.
L’idéalisme commence par la conscience qui produit la réalité. Typiquement, il s’agit de la pensée religieuse. On parle par exemple d’individualisme. On peut le comprendre de deux manières. Soit, il s’agit du point de départ, c’est-à-dire que nous avons des représentations individualistes.
Soit, on raisonne en matérialiste, et nous expliquons pourquoi nous avons l’individualisme dans la conscience. Ainsi, les pratiques de management dans les entreprises individualisent les parcours, séparent les travailleurs. Ou encore, la transformation des villes a déstructuré les quartiers, ce qui nous amène à être davantage individualistes.
Pour Marx et Engels, la vie matérielle qui détermine la conscience est constituée par le développement des forces productives, des techniques, des machines, et par les rapports de production, c’est-à-dire les rapports de classe. Les intérêts de classe permettent ainsi de comprendre une époque ou un mouvement historique.
Cela ne signifie pas que tout est rapport de classe et développement des forces productives. D’autres dimensions de la vie humaine entrent en jeu, mais celles-ci sont déterminantes en dernière instance pour le cours des événements.
L’Humanité
le 19 décembre 2024