Violence : Vers la gangstérisation ? 

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Michel Branchi

La violence avec armes à feu a encore frappé dimanche dernier au matin en plein centre de Fort-de-France. Trois hommes d’une trentaine d’années ont été abattus devant le McDonalds. Il semble, en l’état actuel des informations, qu’il s’agisse d’un règlement de compte. Cela fait 12 homicides depuis le début de cette année, dont 9 par armes à feu. C’est terrible et effrayant.
Les réactions se sont multipliées. Examinons-en quelques-unes. 
Le Maire de Fort-de-France a réagi en déclarant notamment : “Il faut que l’Etat mette les moyens et il faut aussi que nous ayons un réveil de notre conscience sur la prolifération des armes sur notre territoire qui met tout le monde en danger. Il faut une mobilisation générale sur cette question. On franchit un nouveau palier dans le domaine de la violence et de l’insécurité sur le territoire de la Martinique”.
Serge Letchimy, le président du Conseil exécutif de la collectivité territoriale de la Martinique, fait un terrible constat : “Notre pays est aujourd’hui confronté à une prolifération incontrôlée des trafics, faisant de la Martinique une plaque tournante du commerce illégal d’armes et de drogue”. Et il propose : “La réponse doit être à la hauteur du danger qui nous menace. Elle doit être forte, structurée et pérenne. La Martinique est en état d’urgence, insécurité !”.
Le préfet Desplanques, après avoir promis de renforcer les moyens techniques et humains de contrôle, révèle sur les antennes de RCI lundi 12 mai : “Nous avons intercepté 14 yoles. Dans ces 14 yoles, on a trouvé 1 000 cartouches, 1 000 cartouches d’armes. Des armes ont aussi été saisies : Ce que je peux vous dire, c’est que ces armes, d’abord, ce sont beaucoup d’armes récentes. Ce sont des armes de 9 millimètres, des Glock, des Taurus. On trouve aussi quelques armes longues. Qui viennent, pour beaucoup, disons-le clairement, des États-Unis. Elles circulent ensuite dans les Antilles via Sainte-Lucie et via La Dominique”.
La députée Béatrice Bellay, quant à elle, se tourne vers Paris dont elle réclame un “sursaut”. Et de demander à l’Etat “de prendre ses responsabilités face à la circulation massive d’armes à feu en Martinique et aux trafics qui l’alimentent”. Parallèlement, l’élue exige un “plan de prévention massif” avec des “moyens renforcés et adaptés” pour la culture, l’éducation, la santé mentale, la parentalité, les transports, l’émancipation économique des plus vulnérables. 
Bien entendu, l’Etat et le pouvoir central doivent beaucoup mieux contrôler la circulation des armes et du narcotrafic dans notre pays. C’est leur mission.
Mais la réalité est que l’on assiste à un pourrissement de la société martiniquaise sous l’effet conjugué du blocage économique, du chômage élevé, de la débâcle démographique, de l’explosion d’inégalités sociales et de l’impasse politique néocoloniale qui frappe le pays.
De surcroît, nos principales collectivités sont soumises à des difficultés financières majeures au point que la CTM a dû relever fortement certains de ses impôts locaux (cartes grises et tabac). Une partie de notre jeunesse se laisse attirer par les mirages de l’argent facile pour prendre un raccourci vers les fascinations de consommation de la société capitaliste mondialisée.
Nous convergeons avec le point de vue de Francis Carole qui juge que “l’impasse économique de notre pays, l’absence de perspectives pour notre jeunesse, une société coloniale qui tourne en rond, tous ces facteurs ont constitué un terreau fertile pour toutes sortes de dérives”. Il avertit : “La Martinique continuera de s’enfoncer dans ce mal existentiel tant que les réseaux de trafics de drogue et d’armes ne seront pas irrémédiablement brisés et que, parallèlement, nous ne répondrons pas aux aspirations de notre jeunesse et de notre peuple à une vie plus digne”.
Il y a quelques mois, l’économiste Jean Crusol mettait en garde : “La montée des gangs liés au narcotrafic dans les Caraïbes constitue une menace majeure pour la stabilité des sociétés insulaires”. Et d’exhorter : “Il est impératif de prendre des mesures dès maintenant pour éviter un scénario similaire à celui observé en Haïti ou en Amérique centrale”. Cette vision, certes un peu pessimiste, a déchainé un tollé injuste contre lui.
Sans être alarmiste, nous devons collectivement réagir contre la montée de la violence sous toutes ses formes en persévérant dans notre travail de conscientisation de notre peuple. 

Michel Branchi (12/05/2025) 

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