Deux jours de solidarité pour les médecins : Le nouveau remède du gouvernement pour lutter contre les déserts médicaux provoque des réactions de rejet.

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Le pacte de lutte contre les déserts médicaux a été voté par l’Assemblée Nationale

L’assemblée Nationale a voté le “Pacte de lutte contre les déserts médicaux” du gouvernement. Il prévoit d’imposer aux médecins deux jours par mois de temps de consultation dans les zones prioritaires du territoire. Une opération d’apaisement destinée à calmer la fronde des syndicats de médecins libéraux. 
Selon un rapport de Drees, l’organe statistique du ministère de la Santé, « les 10 % de la population les mieux dotés en médecins généralistes ont accès en moyenne à 5,6 consultations par an, tandis que les 10 % de la population les moins bien dotée ont accès en moyenne à 1,4 consultation par an”. 
Dénonçant “la mort de la médecine libérale”, syndicats et Conseil de l’ordre, médecins, internes et étudiants en médecine n’ont cessé de dénoncer les effets contre-productifs qu’aurait la PPL d’initiative transpartisane visant à lutter contre les déserts médicaux, dite loi Garot, dont l’article 1er, voté le 2 avril dernier, a instauré une timide régulation de la liberté d’installation contre l’avis du gouvernement. 


Refus des “solutions reposant sur la contrainte à l’installation” 

Taux de patient sans médecins traitant

Le Premier ministre a indiqué qu’il ne retiendrait pas “les solutions reposant sur la contrainte à l’installation des médecins”. “Cette voie de la régulation autoritaire ne sera pas celle que nous retiendrons dans l’étape que nous ouvrons aujourd’hui”, mais “si ce plan d’urgence immédiat ne réussit pas, nous savons bien qu’au bout du compte, le jour viendra où les principes de ce système, fondé sur le choix libre des médecins, devront changer”, a-t-il tempéré. 
Pourtant, le 1er avril, devant le Conseil économique, social et environnemental, François Bayrou s’était montré favorable à une régulation de l’installation des médecins pour lutter contre les déserts médicaux. Trois semaines de lobbying intenses ont suffi pour que François Bayrou, qui assure avoir fait de la santé une priorité de rang 1 de son mandat, change d’avis. 

Deux jours de “solidarité territoriale obligatoire” pour les médecins 

Son mantra : Apporter des réponses à la fois “nouvelles” et “rapides” aux plus de 6 millions de Français qui n’ont pas accès aux soins. Mesure phare de ce plan d’action : “Chaque médecin généraliste ou spécialiste qui exerce dans un territoire bien pourvu devra consacrer un ou deux jours par mois à des consultations dans les zones qui sont les plus en difficulté”, a annoncé le Premier ministre. 
L’idée, c’est de “s’adapter le plus aux besoins” et de “faire confiance aux professionnels pour qu’ils s’organisent”. “L’objectif n’est pas d’imposer à des médecins de s’installer dans des zones sous-dotées, mais qu’ils participent à l’accès aux soins sans remise en question de leur liberté d’installation.” Pour parvenir à cette solidarité territoriale, le gouvernement va demander aux ARS, en lien avec les préfets et les élus de cartographier rapidement les zones prioritaires “dans un délai d’un mois”. Ce que la Drees a déjà fait, montrant que 87 % du territoire est classé en désert médical. 
Une solidarité récompensée par des compensations financières 
Si le tarif de consultation restera identique pour le patient, le médecin lui recevra une compensation financière. De quel montant, rien n’est précisé. “A contrario, les médecins qui refuseraient se verront pénalisés”, a-t-on encore précisé de mêmes sources. Sans plus de précisions. Aucune sanction n’est évoquée à ce stade. 
Autant dire que beaucoup de flou entoure cette mesure. Grâce à ce mécanisme, le gouvernement évalue à 30 millions le nombre de consultations qui pourraient être assurées chaque année dans les zones sous-dotées. Mais comment obliger des praticiens à donner deux jours de leur temps alors qu’ils sont déjà débordés et que la quasi-totalité du territoire est précisément sous-dotée ? Ces médecins “solidaires” pourraient également se faire remplacer dans leur cabinet principal les deux jours où ils exerceront en zones sous-dotées. Mais par qui ? 

Diversifier l’origine géographique et sociale des étudiants

Autre axe du plan d’action, la formation. Le gouvernement entend “diversifier l’origine géographique et sociale des étudiants” et “recruter dans les territoires ruraux ou moins favorisés”. Chaque département — les trois-quarts le sont aujourd’hui — devra être pourvu d’une première année aux études de santé. 
Le gouvernement entend ainsi rendre obligatoire les stages en “territoires sous-denses” pour les étudiants en médecine, dès la rentrée 2026. Et “dès le 2 novembre 2026, 3 700 docteurs juniors (en 4e année d’internat de médecin générale) iront en stage dans les zones sous denses”. Selon le gouvernement, “jusqu’à 15 millions de consultations par an pourront être assurées”. 

Étendre les délégations de tâches 

Le gouvernement veut aussi aller plus loin dans la délégation de tâches à d’autres professionnels de santé, de manière à “réduire le temps consacré par les médecins à des formalités administratives notamment”. En clair, il s’agit de confier à d’autres professionnels de santé des actes banals. À l’image des pharmaciens qui peuvent fournir un traitement antibiotique pour les angines et les cystites si nécessaires sans passer chez le médecin. Bénéfice “potentiel” : “50 millions de consultations supplémentaires par an”
Enfin, il est questions de “coordonner les actions” pour faire en sorte que les territoires soient plus attractifs pour les étudiants et les professionnels de santé. “Donner envie de s’installer, sécuriser les cadres d’exercice et simplifier les démarches au quotidien pour le professionnel et ses proches. Tous les leviers interministériels seront mobilisés, en appui des élus locaux, pour créer les conditions pour que les professionnels de santé aient envie de s’engager dans la durée là où l’on a le plus besoin d’eux”, détaille le plan d’action. Ce qui a déjà été fait, et ne semble pas avoir donné de résultats probants. 

Débats parlementaires 

Une grande partie des mesures du pacte doit faire l’objet de textes législatifs à soumettre au Parlement au cours de l’année 2025. 
Pas de budget dédié 
Comme toujours, il est encore une fois question d’incitation. Depuis le début des années 2000, chaque ministre a fait son plan : des aides, des bourses, des incitations, des soutiens. Selon l’Assurance maladie, ces mesures sont d’ailleurs très coûteuses, de l’ordre de 94 millions d’euros sur la période de 2017 à 2020 pour une efficacité limitée. Alors que les comptes de la Sécurité sociale sont toujours dans le rouge, aucun budget n’a été annoncé pour ce nouveau Pacte. 
Mais le gouvernement Bayrou semble l’assumer, avec une volonté claire de ne pas se mettre à dos le corps médical : son plan de lutte contre les déserts médicaux assume d’être “une réponse à l’incompréhension et au mouvement de colère qui ont pu être générés par la menace sur la fin de la liberté d’installation”

Alexandra Chaignon (L’Humanité, 25 avril 2025) 

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